RIDM : Katanga Business

Le pouls :

Hypertension. Parabole sur la mondialisation. Entre l’État corrompu, les multinationales rivales et les émeutes de mineurs, le Katanga, gorgé de cuivre et de cobalt, est au bord de l’implosion.

L’histoire :

Ridm_Katanga_Affiche

Katanga, province du sud de la République démocratique du Congo. Ici, pas question de guerre civile. C’est la guerre économique qui règne, conséquence d’une mondialisation qui profite toujours aux mêmes. Car cette terre gorgée de minerais aurait dû faire du Congo un pays riche. Mais, comme le constate Thierry Michel, le réalisateur du film : « Depuis la colonisation, elle se contente d’engraisser ses élites et celles des pays voisins. Avec la hausse du cours des matières premières, elle attire aussi des Indiens, des Américains, des Libanais, et surtout, depuis peu, des Chinois. »

Dans ce nouvel Eldorado des temps modernes, le cercle vicieux est enclenché : l’État, qui a besoin d’argent, vend ses concessions libres aux plus offrants. Mais bien pire, il va jusqu’à vendre des terrains déjà exploités artisanalement par des « creuseurs » (les mineurs congolais). De là découlent des révoltes incessantes qui finissent le plus souvent très mal.

Dans une entrevue pour le journal Le Monde, Thierry Michel a comparé le Katanga a un grand Monopoly, dans lequel « il y a bel et bien un combat des Blancs contre les Jaunes, avec les Africains qui essaient de récupérer les miettes ».

Le coup de cœur :

Après 17 ans à arpenter l’ex-Zaire, le réalisateur Thierry Michel maîtrise le sujet sur le bout des ongles, et cela ce sent. Les vues aériennes sur les mines de cobalt et de cuivre sont superbes, et les discours des mineurs sont toujours filmés avec beaucoup de justesse, parfois même avec un brin d’humour. En marge de cette nouvelle révolution industrielle pour le pays, une voix off, minimaliste, amène parfois les fameuses questions : « Qui perd ? Qui gagne ? », mais laisse le spectateur comprendre par lui-même que la réalité est plus complexe.

Enfin, une des grandes réussites du film réside dans le casting d’un des personnages principaux. Attachant dans ses mimiques de « héros du peuple », Moise Katumbi Chapwe, le gouverneur du Katanga, crève littéralement l’écran.

Le hic :

Difficile de critiquer un reportage aussi réussi. Notons tout de même quelques longueurs dans ces 120 minutes de film.

Le réalisateur :

Thierry Michel est un cinéaste belge. Infatigable explorateur de l’Afrique centrale, Katanga business est le dernier opus d’une série qui avait démarré avec Mobutu, roi du Zaïre, suivi de Congo River.

Moise Katumbi Chapwe, le gouverneur du Katanga.
Moise Katumbi Chapwe, le gouverneur du Katanga.

L’histoire derrière le film :

En septembre dernier, Thierry Michel a été arrêté par la Sûreté de l’État de la République démocratique du Congo, à Kisangani. Son film, qui devait être présenté  à l’université de la ville, a été interdit car la direction a prétendu qu’il n’avait aucun rapport avec la formation des étudiants. Ces derniers, frustrés et déçus, n’ont pas caché leur désarroi devant le cinéaste : « tout se passe comme si on nous empêchait tout simplement de réfléchir, comme si on ne voulait pas que nous devenions intelligents. » (source: Le Soir, Belgique)

En fait, le clan de l’actuel président, Joseph Kabila, ne voit pas d’un bon œil le nouveau film du cinéaste, qui présente une image positive de Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga, qui sera probablement son plus grand rival possible pour les élections présidentielles de 2011.

Le réalisateur a été remis en liberté depuis.

Le bonus :

Katanga Business vient de sortir en version livre aux Éditions Filigranes. Il a été écrit par trois auteurs spécialistes du Congo : Isidore Ndaywel e Nziem, Colette Braeckman et Jean-Louis Moreau. Il est illustré des photos du film de Thierry Michel.

La bande annonce :

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=deEbAf54Og4[/youtube]

Leslie Doumerc

1 COMMENTAIRE

  1. J’aime la phrase suivante « tout se passe comme si on nous empêchait tout simplement de réfléchir, comme si on ne voulait pas que nous devenions intelligents. »; il me semble que cela résume la réalité africaine a mon humble avis. Lorsqu’il y aura un peu de considération , les africans reprendront alors possession de leur continent a nouveau.

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