RD Congo : les électeurs de Goma dégoûtés par les politiciens

Les hommes politiques multiplient dons et actions à l’approche des élections. Les habitants de Goma, au Nord-Kivu, ne s’y laissent plus prendre. Ils les acceptent, mais ne promettent pas leurs voix pour autant et suivent de moins en moins les campagnes des politiciens.

(Syfia Grands Lacs/RD Congo)

« Voter l’utile et non les cadeaux ! Ne refusez surtout pas les cadeaux que vous offrent les politiciens, car c’est votre argent qu’ils ont volé durant leur mandat.

Soyez donc vigilants sur votre choix et réfléchissez à la personnalité des futurs candidats pour ne plus tomber dans les erreurs du passé », déclarait récemment, avec vigueur, maman Kibira, présidente de la Plate-forme des femmes du Nord-Kivu pour un développement endogène, au cours d’une séance de sensibilisation sur les élections.

Actuellement, les politiciens ont beau multiplier dons et messages de propagande à l’approche des élections de la fin de l’année, les électeurs sont de plus en plus méfiants et réticents à les suivre. « Ces gens n’ont rien à nous dire, ils n’ont rien fait pour notre intérêt. Si on avait su qu’ils ne travaillaient que pour leurs intérêts particuliers, on ne leur aurait pas donné leur mandat », lance un homme devant la mairie de Goma en voyant passer un carnaval motorisé d’un député du PPRD, le parti au pouvoir.

M. Yambayamba, membre et ancien huissier au siège provincial de ce parti ajoute : « J’avais vraiment commis une grosse erreur de voter pour ces gens. Tout ce qu’ils ont promis n’était que pur mensonge. Je regrette le temps que j’ai perdu à battre campagne en leur faveur. »

« L’heure est à la sanction »

Les hommes politiques continuent néanmoins de multiplier dons et activités. Prise en charge des frais de certaines personnes retenues dans des structures médicales par manque d’argent et évacuation des immondices dans certains quartiers constituent le gros de leurs actions. Ils viennent tout particulièrement dans les quartiers populaires de Birere et Mugunga où vivent de nombreux démunis et non instruits plus facilement manipulables. Ils visent surtout les associations des gagne-petits, plus souvent celles qui regroupent les femmes et jeunes désœuvrés.

Ils leur donnent de l’argent ou distribuent du savon, des haricots, du sucre, du sel et quelques fois du matériel aratoire. Mais, informés par certaines ONG locales, parmi lesquelles la plate-forme Réseau d’action citoyenne pour la démocratie, les habitants comprennent petit à petit comment voter et pourquoi. « Cette fois-ci, nous les connaissons bien. Ils n’auront plus à mentir, l’heure est à la sanction », dit un électeur brandissant sa carte devant le centre d’enrôlement de la mairie de Goma en présence d’un député provincial de la majorité présidentielle.

Les électeurs ne se laissent ainsi plus acheter à bon compte. « Où étaient-ils durant tout ce temps pour mener ces actions ? Si vous me voyez ici, c’est simplement pour avoir mon cachet de transport, pas pour écouter leurs messages », laisse entendre un fonctionnaire, lors d’une réunion d’un parti politique sur la révision du fichier électoral.

« Si je vais m’enrôler, c’est pour avoir ma carte d’électeur et non pour voter, d’autant plus que les gens pour qui nous avons voté avant ne nous ont pas rendu service », affirme aussi un agent à la Commission nationale pour les réfugiés, déçue des comportements des élus d’hier.

Ce désintérêt pour la politique est manifeste : les Gomatraciens ne sont plus enthousiastes pour venir accueillir les cadres des partis politiques, malgré les véhicules et motos mis à leur disposition pour les transporter. Ils sont de moins en moins nombreux à s’y rendre. Seuls des membres influents des partis politiques et les groupes de danseurs et comédiens payés à cette fin y vont.

« Je ne peux pas encore perdre mon temps à aller à l’aéroport accueillir ces politiciens qui n’ont œuvré que pour leurs intérêts particuliers et égoïstes, déclare Shomari Jean-Paul, un commerçant du marché de Kibabi à Goma. Je préfère m’occuper de mes affaires. »

par Jean Paul Kombo

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