Des syndicats très vigilants sur le paiement des fonctionnaires congolais

Grâce à l’action des syndicats de médecins et d’enseignants du secteur public de Beni, dans le Nord-Kivu (est de la Rd Congo), les salaires de ces fonctionnaires ne sont plus payés par les comptables publics pour éviter les détournements et les agents fictifs. Leur paiement est désormais étroitement contrôlé.

Les histoires de détournement des salaires des fonctionnaires sont courantes en Rd Congo. Certains comptables publics, chargés de la paie mensuelle, disparaissent parfois dans la nature, emportant avec eux des malles remplies d’argent.

C’est pour mettre fin à ces pratiques et lutter contre des salariés fictifs, que les syndicats des médecins et des enseignants de Beni, au nord de Goma, veillent scrupuleusement, depuis 2009, sur le processus de paie des salaires.

Chaque mois, « nous recevons à partir de notre direction provinciale, à Goma, une copie de la liste de nos agents, avec les détails de leurs salaires et primes. Nous vérifions à la source si l’enveloppe est exacte », explique Dr Merlin Juakali, de l’hôpital général de Beni.

Pour les 54 médecins inscrits à l’Ordre national des médecins de la zone de santé de Béni, les rémunérations ne passent plus entre les mains du comptable public depuis mai 2011. Ce qui leur causait de vraies misères. « J’avais auparavant de la peine à trouver mon salaire. Le comptable me fixait parfois des faux rendez-vous… », raconte aujourd’hui, sourire retrouvé, Esdras Matumo.

Tous ont, depuis cette date, ouvert un compte auprès de l’agence locale de la Banque internationale de crédit. Chaque mois, le gérant de la banque les crédite en fonction des virements effectués en leurs noms, par le Centre d’ordonnancement des finances, depuis Kinshasa. Le comptable public, lui, ne fait que leur confirmer le virement.

Comptables sous contrôle

Du côté des enseignants du primaire, du secondaire et des professeurs d’université, leurs syndicats veillent aussi au grain. Ils obtiennent les listes de paie de leurs agents à partir de leurs directions à Kinshasa, et suivent de près le circuit de paie depuis Goma, chef-lieu de la province. Ce dispositif leur permet d’avoir l’œil sur le mouvement des fonds jusqu’à leur retrait à la banque par le comptable public. Mais celui-ci n’effectue plus directement les opérations de paie manuelle, comme auparavant. Il remet l’argent aux gestionnaires des écoles ou aux comptables des universités.

Comptable d’une école de Beni, Achille Katembo explique qu’il est difficile, avec un tel système, de détourner le salaire d’un collègue. « Dès que je récupère les fonds, je signe une décharge, dit-il. A mon tour, je paye chaque enseignant et je garde l’argent des malades ou des absents jusqu’à ce qu’ils se présentent au lieu de service. » Des règles que certains comptables publics ne respectaient pas. Nombre d’entre eux avaient l’habitude de supprimer des listes de paie les noms de plusieurs agents pour ensuite empocher leurs salaires, d’autres y ajoutaient des personnes fictives. Quant aux absents le jour de la paie, ils se mordaient souvent les doigts…

Les syndicats avaient déjà joué un grand rôle dans le nettoyage des listes et la maîtrise du personnel émargeant du budget de l’Etat, lors des opérations de recensement et de contrôle des agents et fonctionnaires, organisées entre 2005 et 2009 par le Pnud avec l’appui de la Banque mondiale. Ils avaient apporté de nombreux témoignages sur les effectifs réels. Depuis ce temps, une soixantaine d’agents fictifs ont été gommés des listes pour le seul territoire de Beni.

Des syndicats solidaires

Tous ces efforts ont permis d’avoir une certaine maîtrise de la masse salariale dans cette partie du pays. L’argent qui servait à « payer » les fictifs et celui du personnel déserteur de la fonction publique, sert désormais à payer la prime des agents nouvellement recrutés, qui attendent encore leur numéro matricule. « Les comptables retenaient à la source les salaires des déserteurs », explique Elysée Mwengi Shali, une infirmière qui se félicite de la décision des autorités d’octroyer cet argent au personnel actif.

Présidente du syndicat des infirmiers de Beni, Monique Mbalasa est fière de cette lutte qu’ils ont tous menée, qui leur a permis de travailler en réseau avec leurs collègues syndicalistes de Goma et de Kinshasa.

Ce qui leur a non seulement facilité le travail de contrôle des salaires et primes, mais aussi de les comparer en fonction de leurs grades. Pour Monique, tout cela a apporté du baume au cœur des infirmiers notamment, qui sont devenus dit-elle, « plus actifs et plus attentifs aux cris des malades. » Mais pour en arriver là, « il a fallu que nous déclenchions des marches de protestation pour dénoncer les détournements et que nous refusions de percevoir nos salaires et primes, tant que nous n’étions pas sûrs qu’ils étaient entièrement payés ! »

Caritas pour acheminer les salaires des catholiques

Peu avant la rentrée scolaire 2011, l’Eglise catholique de la Rd Congo a signé, le 10 août, un protocole d’accord avec le gouvernement congolais, pour faciliter la paie des enseignants des écoles publiques, gérées par les catholiques. L’accord confie cette tâche à Caritas Congo, qui dispose d’une structure fiduciaire opérationnelle capable d’acheminer à temps et dans des conditions de sécurité, jusqu’aux écoles, les fonds destinés à la paie des enseignants.

Le protocole a été signé par le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel, Maker Mwangu, et Mgr Nicolas Djomo, président de la Conférence épiscopale du Congo. Le ministre a insisté, à l’occasion, sur le respect du caractère « inaliénable, insaisissable et indivisible » du salaire, avec « prohibition de toute ponction à la source pour quelque motif que ce soit. » Pour Mgr Nicolas Djomo, qui considère l’éducation comme un atout majeur du développement du pays, ce secteur doit figurer parmi les priorités du gouvernement.

Par Jacques Kikuni Kokonyange

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