Sud-Kivu : dénoncer les abus dans les medias pousse les autorités à agir

Au Sud-Kivu, de plus en plus de victimes d’abus des autorités ou de malfaiteurs estiment plus efficace de les dénoncer dans les medias plutôt que d’aller en justice. Mais si en parler haut et fort attire l’attention sur ces problèmes, cela ne les résout pas toujours.

Irène Wabiwa est l’une des nombreuses victimes des tracasseries des hommes en armes à Kazaroho, en pleine ville de Bukavu. A cet endroit, ces derniers temps, chaque soir des militaires obligent tout passant à leur verser de l’argent. Ce lundi de mai, elle a brisé le silence en dénonçant ces faits à la rédaction d’une radio locale.

Soucieux d’équilibrer la nouvelle, un journaliste est allé au bureau de renseignement de la 10ième région militaire à Bukavu. Il a été surpris par la réponse : « C’est vous qui nous en informez en premier, nous ne le savions pas. Nous mènerons des enquêtes et les coupables seront punis ».

A Nkafu et Camp Zaïre, deux quartiers de la commune de Kadutu, les habitants ne cessaient de dénoncer à des radios locales les innombrables attaques nocturnes dont ils étaient victimes. La police a ainsi organisé en mars et en mai des bouclages dans ces deux entités lors desquels armes, chargeurs, chanvres… ont été trouvés dans des maisons de particuliers.

A Bukavu, de plus en plus les victimes des tracasseries, menaces, vols, injustices… préfèrent les dénoncer dans les radios plutôt qu’aux autorités. Soit ils entrent en contact direct avec la rédaction, soit ils font une déclaration écrite à la presse, soit encore ils se font inviter dans des émissions-débats. Ailleurs au Sud-Kivu, dans le territoire d’Uvira et de Fizi, où les medias ont acquis une grande notoriété et sont appelés 4ième pouvoir, la situation est identique.

Se faire entendre

La plupart des gens estiment que les medias contribuent à la lutte contre l’impunité en RDC. Selon Adolphe Kilomba, enseignant d’Université, les Congolais n’ont pas confiance dans l’appareil de l’Etat qui peine à se remettre en place, « ils préfèrent alors le dire à la radio afin que les autres partagent avec eux leurs peines. »

Si A. Kilomba admet que la majorité de ces dénonciateurs ne savent pas auprès de quelle autorité se plaindre, Emmanuel Shamavu, juge à la cour d’appel du Sud-Kivu estime que la quasi-totalité d’entre eux veulent surtout faire du bruit. « Ils trouvent qu’aller en justice, c’est perdre du temps parce qu’ils n’ont pas de preuves. Ils trouvent mieux d’aller le dire aux médias qui se limitent à donner les faits ».

Ce que contestent certains de ces dénonciateurs qui pensent que certaines personnes sont intouchables même en justice. Les médias sont souvent considérés comme le meilleur moyen de régler les comptes. D’autres se justifient en disant que les autorités se limitent à dire que les enquêtes sont en cours mais qu’elles n’aboutissent à rien ; à la justice, la procédure est complexe et il faut avoir de l’argent. Dans les médias, certes on ne paye pas, mais la personne n’est pas remise dans ces droits.

Cependant parler des exactions de malfaiteurs ou des abus de certaines autorités, découragent certains d’entre eux de continuer. Eustache Mapendano, étudiant ressortissant de Kavumu (30 km de Bukavu) se félicite que, grâce aux dénonciations dans les radios, certains hommes en uniformes qui commettaient des abus à Kavumu début 2012 ont été mutés. « Et à cause des nouvelles données par les médias, certains magistrats poursuivent des dossiers judiciaires qui tardent », explique un avocat.

Certaines radios sont prudentes. Tous les communiqués de dénonciation ne sont pas diffusés et s’ils sont faits en direct, l’animateur précise que la rédaction n’est pas engagée par ces propos. Pour Emmanuel Shamavu, le chef des programmes de la radio Mitumba d’Uvira, par exemple, les médias doivent se contenter de donner les faits pour ne pas attiser les conflits. Pour lui, « dénoncer auprès des autorités étatiques, preuves à l’appui, reste nécessaire car elles sont les seules compétentes à réhabiliter une personne dans ses droits. »

Par Trésor Makunya Muhindo

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