Habiter la frontière de Léonora Miano

Habiter la frontière est un recueil de conférences prononcées par la romancière Léonora Miano (L’intérieur de la nuit, Tels des astres éteints, Les âmes chagrines, etc.) dans différents lieux de savoir, européens et américains, au cours de ces dernières années. Elle y aborde son travail d’écrivain et ses principales préoccupations, souvent liées au contenu de ses romans.

Léonora Miano est de ceux qu’on remarque. Qu’elle nous énerve ou nous plaise, elle nelaisse pas indifférent. L’écrivaine, comme son œuvre (qu’elle habite tant elles semblent indissociables) posent question.

On lira donc, dans ce recueil, l’importance de la musique afro-américaine dans ses récits, ses prises de positions sur le rapport ambigu entretenu entre la France et ses populations noires, ou encore son appel à lire différemment les écrivains subsahariens.

HABITER LA FRONTIÈREElle revient également sur le terme « afrodescendant » qu’elle emploie pour désigner tout individu issu de près ou de loin du continent africain, réinventant ainsi les questions maintes fois soulevées par la négritude, le mouvement black power, et d’autres. La conférence qui donne son titre à l’ouvrage, Habiter la frontière, revendique le droit à l’hybridité culturelle.

« La frontière évoque la relation. Elle dit que les peuples se sont rencontrés, quelquefois dans violence, la haine, le mépris et qu’en dépit de cela ils ont enfanté du sens. »

Cette idée est plutôt juste quand aux réalités mouvantes du monde contemporain. Elle rappelle que la pureté culturelle fascisante n’existe pas, et que toute identité est le produit de rencontres et de métissages qu’ils soient, ou non, voulus.

On peut cependant lui reprocher de ne pas assumer plus frontalement la paternité d’Edouard Glissant quant à la théorie de la relation. Et c’est là que le bât blesse chez Miano. Son discours se teinte bien souvent d’un grand orgueil intellectuel.

Mais c’est aussi le mérite de cette auteure. Ses concepts et théories sont toujours réfléchis et argumentés. Habiter la frontière déverrouille les rouages des discours omniprésents dans ses romans, et ouvre le débat. Qu’on soit ou non d’accord avec ce qu’elle avance, il nous est permis de construire un raisonnement et non pas de nous perdre en critiques superficielles.

Il ne faut pas chercher la nuance, ni la bienveillance, chez Léonora Miano. Mais ce n’est pas certainement pas son souhait. Ses affirmations tranchées secouent, et provoquent l’interrogation. Ce qui, en terme de réflexion, est toujours salutaire.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici