Nord-Kivu: les faux déplacés trahis par l’enregistrement biométrique

L’enregistrement biométrique des déplacés en cours dans les camps au Nord-Kivu, a permis de supprimer de très nombreux faux déplacés qui bénéficiaient des dons et les écoulaient souvent sur les marchés de Goma. Une fraude désormais impossible ce qui permet aux donateurs de mieux aider les « vrais » habitants des sites.

Syfia International

Devant la porte d’un hangar dans le site de déplacés du Lac vert à environ 13km de Goma au Nord Kivu, les Congolais de la province qui vivent là, fuyant les combats dans leurs localités, attendent qu’on prenne leurs empreintes digitales.

L’enregistrement biométrique des déplacés a commencé début juin dans tous les camps aux alentours de la ville et dans le Masisi. Il vise, selon Muthethe Mundenga, ministre provincial de la Santé et Affaires sociales du Nord-Kivu, à recueillir des informations exactes sur l’identité et l’effectif des déplacés dans toute la province. Mais aussi à combattre les « Matshiri », ces faux déplacés, qui habitent en fait près des camps et profitent des distributions alimentaires et autres dons des Ong.

Contraints à fuir de chez eux, ces villageois s'enregistrent pour recevoir une aide non alimentaire de première nécessité à Mugunga, site de déplacés internes proche de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. © UNHCR/S.Modola
Contraints à fuir de chez eux, ces villageois s’enregistrent pour recevoir une aide non alimentaire de première nécessité à Mugunga, site de déplacés internes proche de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. © UNHCR/S.Modola

L’enregistrement se déroule en deux temps.

La première opération, le « fixing » qui consiste à repérer ceux qui dorment dans le camp. Dans la nuit du 4 juillet dernier à Sake, une trentaine d’agents, des humanitaires et l’équipe de sécurité de la Monusco s’apprêtent à aller dénombrer les déplacés dans les sites de Bweremana.

Munis de lampes torches, ils reçoivent les consignes de l’agent de l’OIM (Organisation internationale des migrations) et superviseur du service biométrique : « Le vrai déplacé, c’est celui qui passe nuit dans le site (…). Avant le lever du soleil, nous devons placer des bracelets aux poignets de tous les déplacés présents pour ne pas les confondre avec les faux lors du dénombrement et de l’enregistrement ». Les agents prendront ensuite l’empreinte des cinq doigts de ceux qui portent un bracelet à leur poignet gauche.

Fraude et pauvreté

Dans la salle d’enregistrement biométrique, la frousse se lit sur les visages des déplacés, intimidés par cette première expérience. Ce travail est mené par l’OIM, quelques ONG et les services de l’État comme le CNR (Comité national des réfugiés).

« Cette fois-ci nous sommes pris au piège », déclare un des chefs de blocs qui avait six huttes fantômes dans le site de Nzulo à Masisi lui permettant de recevoir pour chacune lors des distributions 25 kg de farine de maïs, 10 litres d’huile végétale, casseroles, assiettes…qu’il revendait sur le marché.

Les « matshiri » expliquent leur présence dans les camps par la pauvreté. Une habitante du quartier Mugunga (12 km de Goma), comme la majorité des autres faux déplacés, accepte mal de ne plus être sur les listes des déplacés. « J’avais fui la guerre à Masisi mais je ne connais pas exactement notre village », tente-t-elle d’expliquer pendant l’interrogatoire devant l’équipe biométrique qui avait selon elle déjà réunies toutes les preuves qu’elle habitait à la périphérie du camp.

Les faux déplacés qui bénéficient des dons vivent souvent mieux que d’autres catégories de gens pauvres en ville. Parmi eux, de nombreuses personnes ont effectivement été affectés par les conflits armés. « Ma femme et mes enfants ont été blessés par une bombe lors des affrontements entre les FARDC et les rebelles du M23en novembre dernier. Dieu merci ! Tous sont vivants, mais malheureusement tous mes biens ont été endommagés », déclare Jérôme Muhindo, habitant du quartier Ndosho à Goma qui sollicite l’indulgence des agents pour ne pas être chassé comme les autres faux déplacés.

Mais rappelle John. Kanane, agent du CNR, chargé de la gestion des plaintes au cours de l’enregistrement biométrique: « A part l’eau et quelques médicaments fournis dans les centres de santé, la population vivant aux alentours des camps ne peut bénéficier d’aucun don ».

Les vrais déplacés eux se réjouissent de ces régularisations. « Ca faisait six mois qu’on n’était plus approvisionné en nourriture et autres dons », dit toute joyeuse Jeanne Witsire, âgée de 73 ans, en train de recevoir la ration destinée aux vulnérables, dénichés grâce à la biométrie.

« Grâce à la base de données biométriques, nous avons les identités claires des femmes enceintes, vieillards, malades…qui bénéficient de vivres en attendant que le nombre se stabilise pour que tous les vrais déplacés soient pris en charge », explique un agent humanitaire.

Jusqu’à présent, au moment de la distribution des vivres, les donateurs font face à un afflux de gens et sont découragés de voir qu’après avoir distribué les provisions, ils les retrouvent en abondance dans des marchés de Goma.

La suppression des faux déplacés des listes de bénéficiaires réduit considérablement les effectifs. A Shasha, par exemple, sur 1500 déplacés auparavant inscrits sur la liste du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), seuls environ 560 déplacés ont finalement été enregistrés après ces contrôles !

Selon Monique Van Hoof, responsable du sous bureau de l’OIM/Goma, ces enregistrements biométriques permettront de retrouver des retournés en cas de possible distribution des semences ou kits de réinsertion sociale, surtout ceux des territoires de Rutshuru et Nyiragongo qui rentrent actuellement chez eux.

Par Mustapha Mulonda

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