Equateur : en attendant la fin d’Ebola, place à la rumeur

Les mesures préventives prises par les autorités de RD Congo pour éradiquer l’épidémie d’Ebola, réapparue à l’Equateur, au Nord-Ouest du pays, pèsent lourdement sur la vie des populations qui sont nombreuses à vivre de la chasse et du commerce du gibier. Heureusement la maladie semble aujourd’hui conjurée.

Syfia International

Ebola_OMS_01Si, au 15 novembre la RD Congo n’a enregistré aucun nouveau malade d’Ebola, le pays peut confirmer être libéré du virus Ebola qui avait été déclaré depuis le 24 août dernier dans la province de l’Equateur, au Nord-Ouest du pays.

Le ministre de la Santé publique, Félix Kabenge Numbi, qui a fait cette déclaration à Kinshasa a souligné que, depuis le 4 octobre, le pays n’a enregistré aucun nouveau cas. Et que pour déclarer la fin de l’épidémie, il faut attendre 42 jours après la date du dernier cas enregistré.

Depuis l’apparition de cette épidémie à l’Equateur, précisément dans le secteur de Djera, district de la Tshuapa, à environ 700 km de Mbandaka, les mesures prises pour l’éradiquer, en particulier l’interdiction de chasser et de consommer du gibier, la mise en quarantaine du secteur concerné, etc. sont vécues comme un vrai calvaire par de nombreux habitants qui vivent de produits de chasse.

Une mystérieuse maladie

Ebola_OMS_02Maman Marceline ne décolère pas. Cette vendeuse au marché Makila de Mbandaka s’est vu confisquer par des policiers la viande de gibier et des varans vivants qu’elle a ramenés de Lobengo et Bobanga, marchés situés en amont du chef-lieu de l’Equateur.

Apparemment, elle ne comprend rien à tout cela : « Mes produits sont en très bon état, pourquoi me les a-t-on arrachés ? Comment vais-je m’y prendre avec ces enfants qui rentrent à l’école ? », fulmine-t-elle. Debout à quelques mètres de là, un jeune homme s’approche et tente de lui fournir des explications : « C’est à cause d’Ebola, une maladie extrêmement contagieuse et qui tue beaucoup de gens en peu de temps.

Elle provient du contact de l’homme avec un animal infecté, comme le singe, l’écureuil, la chauve-souris, etc. Il n’y a pas de médicament jusque-là pour la guérir…, explique-t-il longuement. Malgré tout les policiers ont exagéré. Les varans, les caïmans nains, et tant d’autres produits ne sont pas concernés par cette mesure ».

« Une mystérieuse maladie est entrain de décimer la population au territoire de Boende ; toutes les autorités locales s’en sont soustraites pour chercher refuge à Kinshasa ». C’est la principale rumeur qui avait défrayé la chronique aux premières heures de cette épidémie avant que le ministre national de la Santé, Félix Kabange, ne confirme la présence du virus Ebola dans cette partie de la province. Depuis, les spéculations vont bon train. Pour certaines personnes, cette maladie est associée au « mobondo », forte diarrhée, souvent mortelle, que l’on attribue au mauvais sort jeté par les gens de l’eau et apparentés dans le but de châtier ceux qui volent leurs biens.

Une punition pour vol de poisson

A les en croire, l’épidémie serait une punition infligée aux habitants de Djera qui se seraient rendus coupables d’avoir volé du poisson appartenant à un voyageur. Mais pour d’autres, il s’agit bel et bien de ce virus qui est apparu pour la première fois en 1976 à Yambuko, territoire de Bumba, toujours dans la province de l’Equateur.

Selon Parisie Bosamba, un élu local du coin, tout a commencé avec du gibier ramené de la forêt par un chasseur au mois d’août dernier. Aussitôt arrivé, le gibier fut débité par sa femme pour être vendu au marché. La nuit, celle-ci se sentit malade et, le matin, elle fut amenée au dispensaire où elle succombera quelques temps après, emportant avec elle, l’infirmier de garde et le médecin qui l’avaient pris en charge et bien d’autres qui ont été en contact avec elle. D’autres victimes furent encore enregistrées au fil des jours. A ce jour, le Ministère de la santé fait état de 49 morts dont 28 probables et 21 confirmés.

Ebola_OMS_03Très redoutée et amplifiée par les nouvelles alarmantes venues de l’Afrique de l’Ouest où Ebola a fait, selon l’OMS, au 8 novembre 4 950 morts en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, la fièvre hémorragique d’Ebola, qui sévit à Djera, a provoqué une véritable psychose au sein de la population de Mbandaka, pourtant très éloignée de l’épicentre de l’épidémie.

Les relations humaines et les affaires vont mal. Accueillir des étrangers, venir au secours des malades, avoir oublié de se laver les mains après avoir été en contact avec des gens inquiètent.

Revenue de Kinshasa où elle est allée écouler ses poissons, Madame Nyakebe raconte que les acheteurs se plaisaient à lui dire que le poisson provenant de l’Equateur était vecteur d’Ebola : « Je ne sais pas s’ils le disaient sérieusement ou s’ils blaguaient. De toutes les façons, cela n’était pas de bon augure car, à la fin du compte, je n’ai pas réalisé une bonne affaire. Je suis revenue sans grand chose », regrette-t-elle.

Il en est de même des marchés transfrontaliers comme Liranga, à une centaine de kilomètres en aval, en République du Congo, qui vient de rouvrir tout récemment après un long moment de fermeture occasionnant un temps une carence de carburant dans la ville.

Par Mathieu Mokolo

Photos: Courtoisie OMS

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