RIDM: la nuit s’achève de Cyril Leuthy

La nuit s’achève est le premier film documentaire (long métrage) de Cyril Leuthy en tant qu’auteur. Monteur de formation, son film est avant tout une aventure personnelle qui débute en Lorraine, pour traverser la méditerranée jusqu’en Kabylie.

Lanuitsacheve-1C’est un voyage spatial et temporel, qui invite les générations ayant connu la guerre d’Algérie et celles qui en subissent les conséquences, à ajuster leurs angles de vue.

Bernard, le père, est né à El Kouif en Algérie. Il retourne 50 ans plus tard, et pour la première fois, dans le pays de son enfance quitté précipitamment en 1956.

Son fils, Cyril, à l’origine de ce documentaire, tente de cerner la figure emblématique et énigmatique de son père. Sa sœur Sandrine, mariée et travaillant dans la construction, se joint au voyage, à la conquête de nouveaux marchés à Alger.

Dans l’ombre, il y a aussi Nicolas, le petit-ami de Cyril. Lui s’aventure en Kabylie, à la recherche de la tombe d’un grand-père dont il a récemment découvert les origines. Et enfin, il y a un frère, dont l’absence témoigne du vide laissé dans la vie de cette famille et auquel le film est dédié

imageCyril Leuthy a l’intuition que c’est important, qu’il y a des choses à dire, des visages à affronter et des regards à croiser. C’est pourquoi il prend sa caméra et immortalise chaque instant. Il accompagne les images de ses commentaires, doutes, mais aussi regrets. Il nous invite chez lui, auprès de ce père mystérieux et silencieux. Pour le connaitre, Cyril devine qu’il faut connaitre l’Algérie, remonter le temps pour construire un avenir meilleur. Déconstruire pour mieux reconstruire.

Le visage du vieil homme s’illumine de joie et se teinte d’une angoisse discrète lorsque son fils lui fait la surprise de ce voyage inespéré. Et si elle avait changé, l’Algérie ? Et s’il ne la reconnaissait pas ? Et du Kouif que reste t-il ? Et l’Arabe, le comprend-il encore ? Le vide laissé par l’exil amène son lot de souffrance. Le problème identitaire est alors posé à travers la figure ambivalente et complexe du pied noir.

Sur les routes de l’Algérie, les étapes faites de rencontres et d’émotions se succèdent. À la recherche du temps perdu, des pistes sont suivies puis abandonnées; des lieux oubliés et revisités; des amis et des familles retrouvés.

Le regard neuf posé sur les vestiges du passé est parfois brouillé par les larmes. Le temps se rattrape et se resserre à mesure que nous nous approchons du Kouif. On y rencontre l’hospitalité et on y constate l’amitié de deux peuples qui se sont tant aimés et pourtant torturés. Le film aborde aussi l’insécurité, les infrastructures vétustes et dresse le portrait d’une jeunesse en ébullition, prometteuse mais freinée par le chômage.

imageOn y découvre le cas particulier du Kouif. Commune de la Wilaya de Tébessa, près de la frontière tunisienne. Elle est construite à la fin du 19e siècle autour d’un gisement de phosphate. Les employés de la compagnie viennent de diverses régions d’Algérie et de toute l’Europe. La nature cosmopolite et minière de cette région a favorisé la cohabitation..

Enfin, et bien souvent, les mots manquent. Assassinats, torture, viols, dépossession, humiliation et haine … Le film ne serait pas ce qu’il est sans le renfort d’une bande sonore originale, composition pour orchestre symphonique de Thomas Dappelo.

Lyrique, vibrante et imposante, la musique s’impose et renforce des prises de vue de paysages magnifiques, méditerranéens, désertiques et agricoles.

Dans ce film, fiction et documentaire se confondent avec talent, comme deux cultures qui se mélangent et s’enrichissent.

C’est donc, sans aucun doute l’ouïe, pour celui qui veut entendre, qui nous amène à voir plus clair, pour qu’enfin, la nuit s’achève

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