L’Afrique au bout du conte

Voyager à peu de frais, c’est possible! Il suffisait de franchir le seuil de la salle du Centre Gesù, vendredi soir dernier. À l’occasion de la grande nuit du conte, spectacle d’ouverture du 10e Festival interculturel du conte du Québec, 13 raconteurs d’histoires se sont succédés pour emmener les spectateurs dans leur monde imaginaire. Parmi eux, quatre artistes africains ont illustré avec brio la place bien particulière qu’occupe ce type de récit sur ce continent. Retour sur la nuit du conte en son et images

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Crédit photo: Leslie Doumerc

Boucar Diouf et Souleymane Mbodj du Sénégal, Kientega Pingdéwindé du Burkina Faso et Nora Aceval d’Algérie font partie du collectif de conteurs qui animera cette dixième édition du festival. Chacun dans son style, ils montrent qu’en Afrique, le conte est comme une seconde nature, ancré de folklore et de tradition mais aussi de musique et d’humour.

Avant le spectacle, Touki Montréal s’est fait conter mille et une belles histoires par deux de ces artistes. Deux conteurs, deux régions, deux visions.

Le conte en Afrique de l’ouest par Boucar Diouf

« Il existe deux types de contes au Sénégal. Les contes populaires. Et aussi les contes initiatiques, qu’un profane pourra entendre mais pas décoder. Ces contes ont un sens caché. Pour les comprendre, il faut passer par les 40 jours d’initiation. »

« Les femmes sont souvent de meilleures conteuses. Elles savent très bien jouer avec les émotions et prennent le temps de contextualiser les choses. Ma grand-mère Sanou Diouf était l’une d’elles, passionnée du verbe et habitée par la chanson. »

« En Afrique de l’ouest, il n’y a pas de frontières entre le conte, la musique et l’humour. On est avant tout un raconteur d’histoires. Traditionnellement, cette tâche revenait aux griots, des dépositaires de la mémoire collective, attachés à la Cour Royale et payés par les rois. On devient griot de père en fils (fille). Les griots d’aujourd’hui sont souvent des stars qui excellent dans le domaine de la chanson, comme le musicien Youssou N’Dour. »

D’origine sénégalaise, Boucar Diouf est né dans la province du Sine-Saloum, fief des Sérères, traditionnellement des éleveurs de zébus et des cultivateurs d’arachides. Arrivé au Québec en 1991 pour ses études en océanographie, il a tout récemment quitté l’air du large de Rimouski pour Montréal. Ses proverbes, ses contes et sa musique sont un heureux métissage des traditions africaine et québécoise où le baobab cohabite avec l’érable à sucre.

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Crédit photo: Leslie Doumerc

Le conte au Maghreb par Nora Aceval

« Il n’y a pas si longtemps, en Afrique du Nord, le conte avait une place très importante, comme un acte social qui servait à éduquer les enfants et aussi les plus grands. Aujourd’hui, la tradition se perd à cause de la télévision et du modernisme, mais il y a encore beaucoup de grand-mères qui détiennent des répertoires très importants. J’ai moi-même collecté tout mon répertoire de cette littérature orale. »

« Les styles de contes varient selon la personne qui les raconte. La mère de famille va privilégier les histoires longues de type merveilleux avec des ogres et des princesses. L’homme va favoriser les contes courts, philosophiques et versifiés. D’autres conteurs se produisent dans les souks avec des musiciens et chantent les épopées religieuses ainsi que des histoires inventées, critiques de la société et de la politique. Ce sont des conteurs libres, payés par le public comme il y a des millénaires. »

« Les contes sont de tradition rurale, mais on retrouve aussi des contes citadins, reconnaissables par leurs longues descriptions, leur vocabulaire plus châtié, comme ceux des ‘Mille et une nuits’ ».

« Au Maghreb, les contes peuvent revêtir différentes formes. Il y a les contes chantés, les comptines pour enfants, les contes grivois et licencieux où les femmes se moquent un peu des hommes, où elles envoient des messages de protestation. Les femmes se les racontent, mais ils sont souvent destinés aux oreilles masculines. C’est à croire qu’ils arrivent souvent à destination puisque des hommes m’en ont raconté. Mais il m’a fallu presque vingt ans de collecte et de confiance pour qu’enfin ils me narrent ces contes grivois, où souvent ils passent pour des cocus quand ils sont jaloux! »

Nora Aceval, conteuse traditionnelle, est née à Tousnina, sur les hauts plateaux de Tiaret, dans le sud-ouest algérien. Son enfance a été bercée par les contes populaires que disaient les femmes de sa tribu des Ouled Sidi Khaled.

Pour voir la programmation du 10e Festival interculturel du conte du Québec 2009, cliquez ici.


Photos: Leslie Doumerc
Montage sonore: Arthur Lacomme

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