Entrevue avec Laurent Saulnier du Festival de Jazz de Montréal

Laurent Saulnier est une figure importante de la culture et du showbiz montréalais. Vice-président du Festival international de jazz de Montréal, il est également le programmateur des FrancoFolies de Montréal.

Vous avez célébré les 30 ans du  Festival International de jazz de Montréal. Quel bilan tirez-vous du succès du FIJM ?

En 30 ans, le festival a beaucoup changé. Pour le premier festival, il y avait seulement une douzaine de concerts.  La plupart étaient gratuits, il y en avait deux ou trois payants avec Ray Charles en ouverture. L’été dernier, il y a eu près de 750 représentations de toutes sortes.

Aujourd’hui le Festival international de jazz de Montréal est quand même le plus important au monde, tant en termes de nombre de représentations, de spectateurs (2 millions de spectateurs en moyenne en 12 jours), de musiciens invités ou de nombre de salles occupées. On a même eu une homologation du livre de record Guinness en 2004, pour le 25e anniversaire.

Qu’est-ce qui a permis à ce festival de persévérer aussi longtemps?

Il y a plusieurs facteurs. Le premier c’est celui d’une équipe motivée derrière ce festival. Pour maintenir un festival comme ça, ça prend bien sûr des artistes sur scène, mais c’est une grosse, immense et gigantesque organisation.

Les autres facteurs sont : la programmation (riche), beaucoup de production parce que si on a utilisé cet été 8 a 9 salles, il y a quand même autant de scènes qu’on érige en extérieur sur les rues du centre-ville de Montréal.  Il ya aussi toute une équipe qui s’occupe de recherche de commandite, de marketing, de financement et  de communication. Sur les 750 représentations, plus de 400 sont gratuites avec 95 % d’artistes peu connus, ce qui incite le public à la découverte.

Que dites-vous au promoteur qui vous écoute en Afrique du Sud et qui dira que c’est facile quand on a le soutien du pouvoir public d’un pays développé comme le Canada?

Je dirais qu’il a raison. En même temps c’est essentiel, voir même normal qu’on ait le soutient de l’état. Mais en même dans notre cas, pour parler chiffre, le budget du FIJM est à hauteur de 30 millions de Dollars canadiens. Le tiers vient directement du public (ceux qui achètent des billets, des t-shirts, casquettes…et qui consomment boisson et hotdog…).

Ensuite, 40 % du budget vient des commandites (commanditaires privés) et l’autre 30% vient des gouvernements (fédéral, provincial et municipal). Mais l’argent des gouvernements sert à développer le côté touristique de l’évènement et ne peut servir ni à la programmation, ni à la production.

« Sans la culture africaine, il n’y aurait pas eu de Jazz »

Avez-vous des rapports avec des festivals en Afrique comme par exemple celui de Ouagadougou ?

Je connais Ouagadougou, pour avoir entendu parler de son festival de hip-hop. Il y a beaucoup de festivals au monde qui nous demandent des partenariats. Mais on reste réticent. Je ne vois pas une seule autre ville dans le monde (d’une importance comme celle de Montréal)  où on peut sans problème fermer tout un quartier du centre-ville à la circulation automobile pendant 3 semaines, sans qu’il y ait le moindre incident…

S’il s’agit de recevoir davantage de groupes africains, nous sommes ouverts. Parce que pour nous la culture africaine est très importante. Nous savons que sans la culture africaine, il n’y aurait pas eu de jazz. Puis il n’y aurait pas eu aussi de Blues…Je pense aussi, et ça na rien de méchant, mais il est plus facile pour un artiste africain de venir jouer a Montréal, que pour un artiste montréalais d’aller jouer en Afrique.

N’est-ce pas justement une raison pour développer des partenariats?

Bien sûr. On a exploré des types possibles de partenariats et d’échanges. Mais on s’est buté à un problème majeur. Mon rôle, c’est l’organisation d’un festival de jazz. Ce n’est pas d’être agent d’artiste.

Oui, moi je peux bien dire que ça me ferait plaisir d’inviter un artiste du Burkina Faso ici à Montréal. Mais j’aimerais aussi que la réciproque soit vraie. Sauf que dans « je voudrais que la réciproque soit vraie », il y a toute une partie là-dedans qui est complètement en dehors de mon contrôle.

Même si je te dis que la personne que moi je veux qui aille en Afrique c’est Susie Arioli qui est une chanteuse de Montréal. Et qu’elle pourra créer un impact là bas, ça ne veut pas dire que l’organisateur du festival de jazz par exemple à Ouagadougou, va s’entendre avec l’agent de Susie. Et que tout va se passer comme on voudrait. C’est pour ça que dans le partenariat, si je ne peux pas tout contrôler….Parce que si je signe un partenariat, je veux être capable d’honorer ma part d’engagement.

Comment se fait la programmation ?

Il y a toutes sortes de façon. Nous ici, on doit recevoir pas loin de 3000 CD par année des gens qui veulent venir jouer au festival. En plus, nous, on sort beaucoup. On va voir beaucoup de concert. Ici à Montréal bien entendu, mais aussi dans d’autres festivals, dans d’autres événements.

La première des choses qu’on fait quand on arrive dans une ville, c’est attraper un journal et voir quel artiste se produit dans la ville. On regarde beaucoup de spectacles, et on ne regarde pas seulement les gens qu’on connaît. On veut découvrir de nouveaux artistes et les faire découvrir à notre public. On essaie de voir ce que ça donne sur scène avant de les programmer à Montréal. Mais on ne fait pas que çà. On essaye de donner sa chance à d’autres.

Salif Keita sera au Festival de jazz cette année, le vendredi 18 juin 2010 à 21 h au Métropolis
Salif Keita sera aux FrancoFolies, le vendredi 18 juin 2010 à 21 h au Métropolis

Les propositions viennent du monde entier ?

De partout, vraiment de partout dans le monde. C’est très, très étonnant chaque année de voir qu’on reçoit des disques des pays qu’on ignore. Des groupes de Slovénie par exemple qui ont appliqué l’an dernier. Le continent qui est le moins bien représenté, c’est l’Asie.

De l’Afrique on en reçoit beaucoup. Mais on a besoin des artistes world qui ont au moins un lien avec le jazz. C’est important pour nous, mais aussi pour les artistes. Parce que Montréal, c’est le marché Nord-américain le plus ouvert. C’est une ville plus francophone, mais aussi anglophone. C’est un tremplin pour les artistes du monde entier en conquête des États-Unis.

Quel cru réservez-vous au public pour votre programmation de 2010, après avoir mis la barre si haute?

On ne fera pas de noms aussi prestigieux comme Stevie Wonder et Ben Harper en concert gratuit. Parce qu’on veut que le 30e reste vraiment quelque chose de spécial. Et si on répète au 31e ce qu’on a fait au 30e, ça dilue un peu l’impact. Donc on va probablement aller dans un calibre d’artistes un peu en dessous en extérieur. Cependant ce que je peux dire, c’est qu’il risque d’y avoir de belles surprises.

Belle surprise, parce que l’une des spécialités qu’on a, c’est de faire revenir à Montréal les artistes qu’on n’a pas vus depuis longtemps ou de présenter des artistes qui ne sont jamais venus à Montréal. Même s’ils ont de longues carrières internationales. Stevie Dan est venu pour la première fois à Montréal il ya 3 ans, dans le cadre du Festival de jazz, aussi surprenant que cela puisse paraitre. Et en 2008, on a présenté Aretha Franklin. C’était la première fois qu’elle jouait à Montréal après plus de 30 ans. Au niveau de la quantité, ce sera la même, entre 700 et 750 représentations.

D.K. Denkess

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