Europe : des immigrés prisonniers de leurs mensonges

Porteurs des espoirs de leurs familles, beaucoup de jeunes immigrés africains préfèrent affronter seuls leurs problèmes en Europe. Un mensonge en entraînant un autre, ils ne parlent pas à leurs proches de leurs regrets d’être partis et de l’impasse dans laquelle ils se trouvent. Ceux qui osent dire la vérité se sentent soulagés.

(Syfia Europe)

Nostalgique, C.H regarde défiler les photos de sa famille sur son ordinateur portable. Il le sait bien, cela réveille en lui de mauvais souvenirs, mais il ne peut pas s’en empêcher. Il se rappelle de sa dernière journée en RD Congo. Il avait alors visité tous ses proches pour leur dire adieu. Tous étaient contents de lui et pleins d’espoir, convaincus que leur enfant allait vivre dans un pays sécurisé, gagner beaucoup d’argent et aider la famille à sortir de la pauvreté.

En réalité, C.H commençait en France une vie d’isolement et d’incertitude, loin des siens. « Depuis mon départ il y a sept ans, je n’ai jamais été heureux. Je ne savais pas que je venais ici pour faire partie de ces sans-papiers que j’écoutais souvent à la radio », confie ce jeune d’une trentaine d’année, visiblement triste. « Mes amis en Europe avaient promis de m’aider à étudier et à trouver un bon boulot. Mais, quand je suis arrivé, ils m’ont dit que je devais remettre mon passeport et demander l’asile, si je voulais rester, car mon visa allait bientôt expirer. « .

« Après, tu auras tout ce que tu désires et surtout de l’argent », me promettaient-ils encore. Un faux espoir, un de plus. Sa demande d’asile est rejetée et C.H. devient lui aussi un sans-papiers. Actuellement, il ne peut ni travailler, ni continuer ses études sur le sol français. Son rêve de devenir ingénieur s’est éteint. Il passe toute la journée à ne rien faire, la peur au ventre. A tout moment il risque en effet d’être expulsé en RD Congo.

« Mentir à la famille ne profite jamais »

En France, en Hollande, en Belgique et en Angleterre, C.H. connaît des dizaines de clandestins. Comme bon nombre d’entre eux, il cache la vérité à sa famille. « Mon papa risque de se suicider s’il apprend que je vis de l’aide sociale. Lui-même est pauvre et donc incapable de m’assister financièrement. Pourquoi mes parents devraient-ils s’inquiéter pour moi ? Je préfère leur dire que j’étudie bien et que je cherche du travail. Je leur raconte que c’est difficile d’en trouver avec la crise économique, mais que j’espère pouvoir envoyer un peu d’euros dans les prochaines années », explique C.H., qui regrette amèrement d’avoir déjà perdu sept ans de sa vie en Europe. Avec ses amis proches qui veulent à leur tour venir, il est un peu plus bavard : « Je ne peux pas leur dire toute la vérité, mais je leur conseille d’y penser à deux fois, car la vie ici n’est pas aussi bonne qu’on le pense quand on est en Afrique. « 

Nombreux sont les jeunes migrants qui se retrouvent en quelque sorte prisonniers de leurs promesses et de leurs mensonges. A. M. est de ceux-là : « Cela fait trois ans que je rassure ma copine qu’elle va me rejoindre… Mais, comment l’amener ici, alors que je ne peux même pas lui envoyer quelques sous ? Je ne sais pas comment me tirer de cette situation. Certains préfèrent couper la communication, mais pour moi ce n’est pas la bonne option.  »

En Belgique depuis trois ans, sans espoir de trouver ni boulot ni d’être intégré à l’université, ce jeune homme de 28 ans envisage de révéler la vérité à sa copine et de lui demander de l’aider à informer sa famille. Mais, rien ne dit que cette dernière compatira à ses malheurs… « Chaque fois qu’on se téléphone, elle me demande comment vont les études. Je réponds que ça roule bien. Je lui ai tellement menti… Je lui ai même dit qu’elle devrait chercher un passeport dans les plus brefs délais, ce qu’elle a vite fait… J’ai peur qu’elle ne me pardonne pas« , craint-il.

Les immigrés d’Europe qui ont le courage de dire dès le départ la vérité à leurs familles sont soulagés moralement et quelquefois même aussi financièrement. « Je savais dès le départ que mentir à la famille ne profite jamais. J’ai donc osé demander à mon frère de m’envoyer de l’argent. Autrement, je n’aurais pas pu m’en sortir. Cela m’a aidé jusqu’à ce que je trouve du travail », se félicite une Rwandaise, en Belgique depuis trois ans. Elle conclut, comme un conseil aux autres : « Il n’y a aucune raison de mentir à tes parents, à tes frères et sœurs. Si tu souffres, ils sont prêts à souffrir avec toi ! « 

Par Jean Fichery Dukulizimana

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