Katanga: chasse aux pygmées

Plus de 800 pygmées ont trouvé refuge dans une école de Kabalo, dans le nord du Katanga. Ils fuient les exactions d’une milice bantoue qui les traque à coup de lances et de flèches malgré les nombreuses tentatives de réconciliation.

Syfia International

La cour de l’école primaire Alfajiri à Kabalo centre au Katanga (1000 km au nord-est de Lubumbashi) est pleine de monde ce matin de juillet. Huit cents personnes, hommes, femmes et enfants appartenant tous à la communauté pygmée y ont trouvé refuge.

Les uns occupent les salles de classe, les autres sont en plein air. Ils viennent des localités environnantes, fuyant les attaques d’une milice bantoue. « Nous sommes poursuivis par des bantous. Armés des lances et des flèches, ils incendient nos cases et menacent de nous exterminer », raconte en larme Ilemba, jeune pygmée d’une trentaine d’années.

Kabalo_Katanga_FlickrVêtu d’une vieille culotte, la seule qu’il porte depuis sa fuite, Ilemba est mal à l’aise de vivre dépaysé dans une cour de l’école. Son seul souci est de regagner son milieu d’origine.

Depuis qu’ils sont à Kabalo centre, ces pygmées vivent de la générosité de quelques Eglises et organisations caritatives. « Chaque dimanche nous organisons une collecte spéciale à l’église afin de leur venir en aide », affirme Sébastien Mutwale, responsable d’une Eglise du réveil au chef-lieu du territoire.

Mais ce que les Eglises et les autres organisations donnent aux Pygmées déplacés est loin de satisfaire leurs besoins. Comme le reconnaît Benjamin Mulezi, point focal du Réseau des populations autochtones et locales pour la gestion des écosystèmes, « tous sont dépourvus du minimum vital et leurs conditions d’existence sont de plus en plus précaires ».

Vieilles rivalités

Bantous et pygmées s’affrontent régulièrement au nord Katanga malgré plusieurs efforts de réconciliation. Coordonnateur de la Voix des minorités indigènes, Georges Mbuyu souligne que les derniers affrontements de juin qui ont fait 10 morts selon l’Ong et deux selon le ministère provincial de l’Intérieur, sont survenus deux semaines seulement après le pacte de paix signé à Manono par les deux parties.

« Quand les Pygmées estiment qu’ils sont exploités par des bantous, parfois ils se révoltent. Et les bantous ne supportent pas leur révolte. Ce qui donne lieu à des heurts, mortels pour la plupart », fait savoir Mulezi. Mais d’autres sources révèlent que certains chefs de villages font tout pour empêcher les Pygmées de vivre en communauté de 300, 200 voire 100 individus. Ces chefs utilisent les jeunes de leurs villages regroupés au sein de ce qu’ils appellent communément Forces d’auto-défense populaires pour disperser les pygmées, estimant que, s’ils sont unis, ils constituent une menace.

Briser le cycle de l’’impunité

« Il faut réunir les notables bantous et pygmées du nord Katanga pour mettre en place ensemble des mécanismes qui favorisent une cohabitation pacifique entre les deux communautés », estime le ministre provincial de l’Intérieur. Après sa mission dans cette partie de la province, Juvénal Kitungwa se dit inquiet de voir les deux parties ne pas respecter le pacte de paix qu’elles ont signé dans le territoire de Manono début juin.

La proposition du ministre Kitungwa de réunir pour la énième fois ces deux communautés autour d’une table ne rassure pas les défenseurs des droits de l’homme, surtout ceux qui défendent les droits des minorités.

Porte-parole de l’Ong Défense des minorités congolaises, Esdras Tshilembi estime que tant que le cycle de l’impunité ne sera pas brisé, c’est peine perdue. « Il faut repérer les commanditaires des attaques contre la communauté pygmée et les transférer devant les instances judiciaires, préconise-t-il. Car on peut signer mille pactes de non-agression, mais dès lors que les récidivistes auteurs et commanditaires des attaques contre une quelconque communauté ne sont pas sanctionnés de manière exemplaire, rien ne changera sur terrain ».

Par Maurice Mulamba

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