«Le superintendant Zondi se disait que son pays bien-aimé s’était laissé aller, qu’il s’était laissé prendre au piège de l’autosatisfaction : tout simplement parce que les Noirs avaient été libérés de l’apartheid sans violence, que la planète entière leur avait délivré un satisfecit et leur avait fait croire que toutes leurs souffrances allaient ainsi être effacées d’un coup de baguette par Magic Mandela…»
Cette citation, tirée du roman Le noir qui marche à pied, est une des multiples phrases dans lesquelles l’auteur, Louis-Ferdinand Despreez, rappelle la déroute dans laquelle se trouve la démocratie sud africaine. Éradiquer officiellement une structure étatique raciste ne l’élimine pas automatiquement des esprits et des mentalités. Et le lecteur en est témoin dans ce roman policier où les habitants des townships envient les habitations érigées en forteresses des quartiers richissimes et blancs.
Cinq enfants blancs sont enlevés à la sortie de leur école. Entre des parents désespérés et un système policier qui piétine, le superintendant Francis Zondi ne sait plus où donner de la tête. Le lecteur, lui, sait rapidement dès le début qui commet ces crimes. Le noir qui marche à pied n’est pas un «who dunnit» traditionnel, c’est plutôt un roman policier qui nous plonge dans la poursuite des indices qui mènent la police à la découverte du criminel. Et c’est surtout une plongée dans les méandres de l’esprit malsain de ce criminel.
Le révérend Molefe est le personnage qui opère ces enlèvements. Et il a un plan avec de l’argent de rançon à la clé. L’interprétation de la Bible justifie le pire : «Molefe avait vraiment bien lu entre les lignes des Évangiles ; plus aucun doute ne subsistait en lui ; il fallait donc bel et bien pécher avec méthode, et même acharnement, pour être absous et entrer au paradis par la grande porte.»
Tout en prenant soin de ne pas juger ses personnages, Louis-Ferdinand Despreez réussit à nous plonger dans l’esprit tordu d’un criminel et dans les dilemmes du superintendant Zondi en tant que policier, mais aussi comme homme dans une société sur le bord du précipice. À lire.