Dans Le mariage au Mali : Témoignages de Solène Lardoux, la question du mariage dans toutes ses formes et ses complexités est posée. Polygamie, excision, religion, mariage forcé sont les thèmes abordés dans ce recueil de témoignages accessible à tout le monde.
Avant mon mari, aucun homme ne m’avait fait de proposition de mariage. Mon mari est le petit frère de l’époux de ma copine. Je l’ai rencontré dans une fête, je n’étais plus à l’école, j’avais à peu près 23 ans. On a fait quelques années ensemble jusqu’à ce qu’on ait un enfant. On n’a pas attendu longtemps après la naissance de l’enfant pour se marier. Mon futur a envoyé les trois kolas à mes parents, et ces derniers ont annoncé la nouvelle à la famille
Témoignage no5 de madame A.C., mère de famille et épouse d’un monogame
C’est sous la forme d’un recueil de différents témoignages que l’auteure a choisi d’aborder la question du mariage en Afrique de l’Ouest, particulièrement au Mali, un pays de 15 millions d’habitants où tradition et modernité ne cessent de se faire une guerre sans merci.
Au Mali comme souvent en Afrique, il existe trois façons de s’engager pour la vie avec un partenaire : mariage coutumier ou traditionnel, mariage religieux (Au Mali : 91,5 % de musulmans, 3% de chrétiens et 1,5% animistes), mariage civil célébré par un maire ou un officiel d’État civil.
Dans son livre, l’auteure fait la synthèse de 59 entretiens qu’elle a recueillis lors d’un travail de recherche au Mali. Traditionnellement, comme partout dans le monde, seuls les parents décidaient de l’avenir de leurs enfants. Les garçons comme les filles n’avaient pas beaucoup à dire sur leur futur(e) partenaire.
J’ai été élevée dans une famille traditionnelle et excisée en très bas âge. L’excision ne m’a pas posé de problèmes particuliers. Quand j’ai eu quinze ans, un homme, un cousin qui était d’ici, m’a demandé en mariage. Il venait causer en famille de temps en temps, mais je ne l’ai pas fréquenté. Nous étions fiancés, car il y avait eu l’envoi des kolas et des 75000CFA qui avaient été distribués pour informer la communauté. Mais mon prétendant est parti à l’aventure! Pendant dix ans je l’ai attendu, jamais il n’a appelé ni envoyé de lettre, c’est la raison pour laquelle je me suis mariée avec quelqu’un d’autre.
Témoignage no18 de madame C.A., fiancée abandonnée, épouse d’un polygame
La principale caractéristique de ce livre, c’est qu’il n’est pas question d’analyse ou d’interprétation. Solène Lardoux ne fait que présenter aux lecteurs les témoignages qu’elle a reçus. Certains regretteront probablement cette absence d’analyse et de conclusion tandis que d’autres sauront en tirer les conséquences à partir des différents éléments tirés ici et là.
La question du mariage forcé revient souvent, tout comme celle de l’excision. L’auteure réussit par contre à brosser un portrait général du mariage au Mali. Il reste que, quelques fois, certains témoignages reviennent souvent et peut-être qu’une meilleure technique de synthèse ou à tout le moins de présentation aurait été préférable. Mais quiconque s’intéresse à la question du mariage ne se trompera pas en se procurant le livre publié par la maison d’édition française L’Harmattan.
Ma femme avait dix-sept ans au moment de notre mariage, moi j’avais vingt-sept ans. C’est la fille du frère de ma mère. Mon père l’avait demandé depuis qu’elle était toute petite et c’est lui qui avant de mourir avait fait les démarches nécessaires pour les fiançailles. Chez nous, on n’a pas le droit de dire qu’on n’aime pas une femme que les parents choisissent.
Témoignage no38 de monsieur C.R., jeune trentenaire
Professeure adjointe de démographie à l’Université de Montréal, Solène Lardoux s’intéresse aux questions de fécondité, de famille ainsi que des transformations familiales sur le comportement des enfants aussi bien au Québec, au Canada qu’en Afrique subsaharienne et au Maghreb.
Le Mariage au Mali : Témoignages, Solène Lardoux, L’Harmattan, 2010