Burundi : l’administration communale au féminin pluriel

N’en déplaise aux machistes qui paralysent le fonctionnement de quelques localités, les Burundaises accèdent, massivement et démocratiquement, à la tête des communes. Elles, qui ont bataillé dur pour s’imposer dans les partis politiques et les organisations de la société civile, bénéficient du soutien de la commission électorale.

(Syfia Grands Lacs/Burundi)

Le chef de l’État burundais, Pierre Nkurunziza, a signé, le 29 juillet, un décret nommant des administrateurs communaux élus à la suite du scrutin local de mai dernier. Parmi eux, pour la première fois, une proportion importante de femmes (35 %). « Elles étaient au Parlement, parce que cooptées, mais non élues. Cette fois, c’est un coup de maître ! Je les en félicite et leur demande de ne pas décevoir et de bien diriger pour tout le monde », jubile Mme Perpétue Kanyange, présidente de la Synergie des partenaires pour la promotion des droits de la femme (SPPDF).

Burundaises, Crédit Photo : Martine Perret, Flickr

Comme elle, nombre de sympathisants de la cause des femmes saluent ce score sans précédent. « Au cours de la législature qui se termine, nous avions seulement trois femmes administrateurs communaux. C’était timide et insignifiant à l’échelle nationale. Cette fois, la représentation est très satisfaisante », remarque Immaculée Niyuhire, une féministe.

Ne plus jouer les figurantes

Dans les partis politiques et les organisations de la société civile, les Burundaises ont dû batailler ferme pour ne plus jouer les figurantes. « Avec l’appui d’autres organisations de femmes, locales ou internationales, nous nous sommes battues pour être en bonne position au niveau des listes bloquées à présenter aux élections et voilà le résultat. Nous sommes élues avec un score honorable », se félicite une de ces femmes catapultées au sommet d’une commune au nord du Burundi, qui a demandé l’anonymat. Les élections se font sur la base de listes préalablement établies au sein des états-majors des partis. Lors des précédents scrutins, les femmes étaient constamment lanterne rouge sur ces listes bloquées et avaient, par conséquent, peu de chance de se faire élire.

Comme pour encourager les partis politiques qui ont brisé les chaînes de la tradition en alignant prioritairement les femmes, le Fonds de développement des Nations unies pour la femme (Unifem) leur a restitué, en juillet dernier, les frais équivalant à la caution exigée par la commission électorale pour chaque liste de candidats députés pour autant que les femmes y aient été en bonne position. Une dizaine de partis politiques ont ainsi pu récupérer, qui 4 000 $, qui 3 000 $, etc. L’enveloppe totale oscillait autour de 20 000 $.

Réticences machistes

Photo : The Advocacy Project, Flickr

Malgré ce satisfecit, il reste une ombre au tableau. Une vingtaine de communes sur les 129 que compte le pays n’ont en effet pas encore d’administrateurs et ne sont pas, par conséquent, concernées par le décret présidentiel du 29 juillet. Le chef de l’État attend que les élus choisissent en leur sein des administrateurs. Des femmes, candidates à ces postes, sont souvent bien malgré elles à l’origine de cet embarrassant blocage. « Il s’agit essentiellement de communes où les conseillers élus en mai refusent de se réunir pour élire l’administrateur parce que le candidat pressenti est une femme « , explique, Isidore Ndakoze, du parti FRODEBU.

Dans la commune de Gisozi (province Muramvya, au centre du Burundi), les élus ont catégoriquement refusé de cautionner le choix d’une femme administrateur, lui préférant un homme. Dans la province de Bururi (Sud), seules trois communes sur neuf disposent d’organes dirigeants. Pour les autres, les élus refusent de valider des candidatures féminines. « Dans cette province, l’exemple typique est celui de la commune Mugamba où les conseillers ont refusé de se réunir pour élire l’administrateur. La candidate pressentie à ce poste a pourtant le même diplôme universitaire que son concurrent masculin », s’indigne Annonciate Misigaro, du Collectif des associations et ONG féminines du Burundi (CAFOB).

Hommes ou femmes, ceux qui sont encore sous l’emprise des préjugés estiment qu’une femme administrateur ne pourrait pas s’acquitter convenablement de cette lourde responsabilité. Sous contrôle du Conseil communal, l’administrateur assure la gestion de la commune dans ses dimensions économiques, politiques et sociales et met en œuvre le plan de développement communautaire. Financièrement, la commune dépend de la province. « Ce sont des communes sans routes. Comment une femme pourrait-elle escalader des montagnes et traverser des rivières pour aller vers la population qu’elle dirige ? », s’interroge par exemple un ancien conseiller communal de Mugamba.

Face à ceux qui traînent encore les pieds, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), avocate des femmes et soucieuse de faire respecter le choix des électeurs, semble intransigeante. « Les femmes doivent être représentées dans l’administration communale au moins à hauteur de 30 % comme le prescrit la Constitution », rappelle aussi Pierre Claver Ndayicariye, président de la Ceni.

Par Silvère Hicuburundi, Syfia Grands Lacs

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