Alain Mabanckou: « la culture africaine n’est pas forcément orale, elle est tentaculaire »

Dans la série d’entrevues réalisées au dernier Festival Africajarc de Cajarc (22 au 25 juillet), découvrez l’entrevue de Touki Montréal avec l’écrivain Alain Mabanckou. Une occasion de palabrer sur la culture africaine et l’oralité…

Touki Montréal : Vous déclarez avoir un rapport charnel, musical à la langue, en quoi cela vous aide-t-il  dans votre acte d’écriture et en particulier dans la tournure orale que vous donnez à vos textes ?

Alain Mabanckou : La musique est essentielle à la littérature parce qu’écrire, c’est écouter une muse qui vous parle. Or, la muse c’est elle qui fait la musique d’où le nom « musique », « musical » qui prend racine avec la muse. Partant de là, la plupart de mes livres sont d’abord des livres qui naissent de la parole.

L’écrit sert de support à la parole que j’ai entendue à la parole qui est en moi. C’est pour cela que je pense que la question de la poésie est essentielle même dans le roman.

Je n’écris pas forcément les choses, j’écoute les choses et j’essaie de transposer la parole avec les mots pour qu’ils deviennent les éléments de la musique.

T.M. : Mettre à l’honneur la parole, est-ce une manière d’honorer la culture africaine ?

A.M. : Disons que toutes les cultures du monde ont une part de d’oralité. En France, il y a eu la littérature des troubadours qui est une littérature orale. En Amérique Latine, en Asie également. Fondamentalement, si on a tendance à dire que la littérature africaine est une littérature orale, c’est tout simplement parce que la littérature écrite est très jeune, en tout cas en langue française.

Donc l’oralité telle qu’on la présente pour l’Afrique est pour nous, tout simplement une manifestation de notre univers où la parole est essentielle et que tout ne se résume pas par l’écrit. Nous devons respecter la parole autant que nous respectons les contrats écrits.

Personnellement, je suis pour les mariages de l’oral et de l’écrit. L’écrit utilise les yeux, l’oral utilise les oreilles. Lorsque nous parlons, nous utilisons tous les sens et nous en avons six. Peut-être que l’écriture est le septième sens de l’individu.

T.M.: Est-ce une manière de faire un pied-de-nez à ceux qui pensent que l’Afrique n’a pas de culture parce qu’elle n’aurait qu’une culture orale?

A.M.: La culture africaine n’est pas forcement orale. Elle est tentaculaire. Elle est multiple. L’écriture existait en Afrique. L’Afrique a une histoire riche qui implique l’origine du monde même. Donc, de ce fait, les écrivains africains sont comme tous les écrivains. Ils ont un univers qu’ils essaient d’exprimer, mais il ne faudrait surtout pas les définir par l’oralité. Il faut définir l’écrivain africain comme on définit tous les écrivains. C’est à dire par la façon avec laquelle ils appréhendent le monde,  l’expliquent et font de sorte que les choses soient comprises dans le monde entier.

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Propos recueillis par Pauline Botella

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