Symbole en son genre de la diversité culturelle dans le paysage audiovisuel français, Élisabeth Tchoungui a repris sa plume et propose dans Bamako climax, l’univers trouble et complexe d’un village planétaire victime d’un multiculturalisme contagieux.
Premier constat, Bamako climax n’est pas un roman qu’on peut lire avec le même cerveau qu’on utilise pour s’abreuver de publicités et des indigestes téléréalités de l’heure. Il faut être attentif pour ingurgiter la prose de l’auteure.
Et parfois, ça ne suffit pas. Il faut alors se rendre au glossaire, à la fin du roman, pour trouver l’explication d’une tournure de phrase ou d’un mot qui ne rentre point dans le registre primaire du français international. Quid de dombolo, Gbarène, thiof, mutu ou poto poto.
Je sentais bien que cette affaire finirait dans le poto-poto des amours contrariées, mais pas avant tout de même, l’honorable durée de vie moyenne des pied-ton pied européens.
L’histoire de cette intrigue parait pourtant simple. Céleste Adjovi est une Togolaise qui a vécu en France avant de retourner dans son pays, puis de le quitter après son bac. En temps normal, elle est journaliste.
D’un côté, elle se marie avec Elio, juif italien, adepte de la paresse et de la fainéantise, fils d’une famille riche, donc forcément sans histoire. À priori. De l’autre côté, Celeste s’offre le luxe d’un amant fanonnien qui n’assume pas sa négritude.
Il s’appelle Elliot (il a un L et un T de plus qu’Elio..), il est antillais, mais il a grandi au Mali. Ce n’est pas tout. Elio a aussi une maitresse, Carolina, secrétaire sans ambition. Elliot est marié avec Éléonore, issue d’une chique famille de l’hexagone.
Au milieu de cet hexagone amoureux, il y’a Olimpia, la sœur d’Elio et les amis, Fabien et Cassandra. Meilleure amie de l’héroïne, celle avec qui elle a ciré les bancs de l’école française de Lomé est une aventureuse comme on dit parfois en Afrique. L’odeur de l’argent, donc du bonheur, lui donnes envie de tout, surtout de foutre. (Excusez le langage, j’émerge de l’univers Tchounguirien)
Ciao Olimpia come stay, ciao Céleste, je suis heureuse de te revoir. Venez, nous avons une table au carré VIP, les flots de champagne réactivent nos sèves anesthésiées par le vêtement social, viens, mon amour, dansons un peu, mélangeons nos corps, et que tourbillonnent nos langues, que vibrionnent nos doigts, que tanguent nos hanches, la nuit est un liquide amniotique, le cri primal nous terrasse, la vie survient.
Ancienne présentatrice du journal de TV5 Monde et ex-responsable du service culture de France 24, Élisabeth Tchoungui renoue avec le roman après Je vous souhaite la pluie, publié en 2006, toujours chez Plon, et qui lui avait valu à l’époque un bon accueil de la critique.
Amoureuse du verbe, la journaliste propose une histoire d’amour sous fond de tension communautaire ou raciale, et d’identité. Si le titre laisse perplexe, le lecteur devra attendre la dernière partie du roman pour se retrouver. On regrettera toutefois la conclusion choisie par l’auteure qui laisse quelque peu sur la faim, tellement la préparation et la mise en scène avait savamment été décortiquées.