Au Congo Brazzaville, opérées gratuitement, des femmes incontinentes qui souffraient de fistules obstétricales retrouvent dignité, joie de vivre et activité professionnelle. Les autorités, les ONG et les institutions travaillent aussi en direction des familles pour qu’elles soutiennent ces femmes plutôt que de les rejeter.
(Syfia/CRP)
« Je ne contrôlais plus mes urines. Toute ma famille m’avait abandonnée », se souvient Pauline qui mène aujourd’hui une vie normale. Pauline souffrait de fistule, cette fissure qui se forme entre le vagin et la vessie ou le rectum à la suite d’accouchements difficiles, fréquents sans assistance médicale. Quant à la maman, elle souffre ensuite d’incontinence chronique (urines et selles) et du rejet de son entourage. Comme Pauline, après bien des souffrances, Félie a retrouvé sa joie de vivre et tient un petit commerce.
Dans le cadre de l’amélioration de la santé maternelle, cinquième objectif du Millénaire pour le développement, le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a lancé en 2003 une campagne mondiale de lutte contre les fistules obstétricales dans près de 40 pays.
En juin dernier, le gouvernement du Congo Brazzaville, avec l’appui du FNUAP, a démarré une deuxième campagne. Selon Jeannette Bikoussi, médecin chargé de la santé de la reproduction au FNUAP, en 2009, 30 femmes ont été opérées gratuitement et sont aujourd’hui guéries. Parmi elles, une vingtaine ont bénéficié d’une aide pour retrouver une activité : « Nous espérons qu’avec cette deuxième campagne, nous pourrons atteindre un plus grand nombre ».
Après l’opération, les femmes sont soutenues psychologiquement et financièrement. « Nous en avons réinséré plusieurs dans des commerces. Elles sont suivies par nos agents », déclare Rock Mabiala, coordonnateur chargé de la réintégration socio-économique des fistuleuses au ministère des Affaires sociales.
De son côté, le Rotary Club a lancé en 2009 une mission médicale humanitaire au cours de laquelle 19 fistuleuses ont été opérées. Jérémie Mouyokani, secrétaire de cette OSC, espère que cette mission s’inscrira dans la durée.
« Besoin de l’affection de leurs proches »
Au Congo, le coût de l’opération de la fistule varie entre 500 et 900 000 Fcfa (760 et 1 370 €). Une intervention bien trop chère pour la plupart des femmes obligées de vivre avec cette anomalie et de subir en plus le rejet de leur entourage. « Elles sont souvent repoussées par leurs familles et leurs maris. Elles se sentent humiliées et doivent être prises en charge », confirme Anani Odzébé, urologue au CHU de Brazzaville.
« Parfois, quand tu te lèves devant des gens, ton habit est souillé derrière ; ça fait honte », dit Pauline. « Mon mari m’injuriait tout le temps. Il me disait que je sentais et m’évitait. Il a fini par trouver une autre femme », se souvient douloureusement Claude. « Jusqu’à aujourd’hui, j’ai des écoulements. Tout le monde me fuit, sauf ma famille. Je souffre beaucoup », témoigne Rose.
Cornélie Adou Ngapi, directrice générale au ministère chargé de la Promotion et de l’intégration de la femme au développement, invite les familles à soutenir les victimes. « Lorsqu’un cas de fistule est signalé au niveau des hôpitaux, nous nous rapprochons de la famille pour essayer d’en parler avec elle. Les fistuleuses ont besoin de l’affection de leurs proches ».
Ces dernières années, une enquête du FNUAP a enregistré près de 150 cas de fistules obstétricales au Congo. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque année dans le monde, 50 000 à 100 000 nouvelles femmes présentent une fistule obstétricale.
En Asie et en Afrique subsaharienne, plus de deux millions de femmes vivent avec ces anomalies non traitées. Les fistules peuvent pourtant être évités, rappelle l’OMS, qui préconise de « repousser l’âge de la première grossesse, de mettre fin aux pratiques traditionnelles préjudiciables et d’avoir accès en temps voulu à des soins obstétricaux. »
Par El-Staël Enkari