A Butembo et ses environs, au nord de Goma, les taxis motos transportent aussi des marchandises, en particulier des poissons frais, venus des villages environnants. Ils remplacent avantageusement les camions, les vélos, les patinettes ou… le dos des femmes.
(Syfia Grands Lacs/RD Congo)
Sur l’avenue Ruwenzori, à l’entrée principale du marché central de Butembo, une foule de mamans se bouscule le matin de ce samedi de décembre. Bassins en mains, elles accourent vers un motard qui transporte un gros panier rempli de poissons frais. Ce denier vient de Kyavinyonge, une cité de pêcheurs sur le lac Edouard, à plus de 80 Km à l’est de la ville. C’est un vrai parcours du combattant qu’il vient d’achever sur cette route aux escarpements très dangereux.
« C’est vraiment un soulagement avec ces motos qui sont très rapides, se réjouit une dame qui vient d’acheter plus de 50 poissons. Avant, il fallait attendre 15 heures pour avoir un poisson frais mais là, on l’a en temps réel ». « C’est rapide c’est vrai, mais très pénible », répond le taxi moto, affairé à vendre ses poissons.
La moto chasse le vélo
Il y a encore quelques années en effet, les motos ne faisaient que le transport des passagers à Butembo, cette grande ville commerciale à 320 km au nord de Goma. Mais depuis que le prix de cet engin a chuté passant de 1000 $ à 600$, de plus en plus des privés l’achètent et ne prennent plus le taxi.
Trouver les clients à transporter dans la ville est devenu rare et le métier de taxi moto moins rentable. Les motards ont alors commencé à sortir de la ville pour transporter à l’arrière de leurs engins régimes de bananes plantains, paniers de poissons, produits manufacturés ou bottes de feuilles de manioc. Ils font ainsi concurrence aux taxis vélos qui exerçaient depuis des années cette activité.
« Ces types des courses sont très rentables. Vous transportez pour un commerçant ambulant sa marchandise et vous revenez du village avec des produits alimentaires pour la famille et c’est très payant », affirme Jean Kavuke, un taxi moto qui s’est converti au transport des produits et qui se réjouit de voir ses recettes journalières doublées.
Ils ne s’arrêtent pas seulement en dehors de la ville. Même pour le transport des paquets et autres marchandises, pour les acheminer d’un dépôt au marché de Butembo et vice versa, les taxis motos font désormais ce trajet en lieu et place des trottinettes en bois.
Clients et motards satisfaits
Les clients apprécient ce nouveau mode de transport. Masika Georgette, vendeuse de pondu qui fait transporter son produit par des motards est satisfaite : « Avec eux (motards) au moins, vous êtes sûres que rien ne va s’égarer. Ils sont identifiables et repérables dans leur bureau à partir du numéro qu’ils portent ». En effet, tous les taxis motos sont affiliés à plusieurs associations et sont identifiables à partir de la couleur de leurs gilets. Butembo compte, 3 associations des motards qui encadrent plus de 6 000 taximen.
Autre chose, les mamans qui portaient dans leur dos des lourdes charges se sentent aussi allégées. « Moi je transporte pour les femmes commerçantes. Elles préfèrent retourner à pied en ville sans charges sur le dos et trouver les produits vivriers déjà à destination », témoigne pour sa part le taximan Makata Kule.
Bien que le recours à la moto soit avantageux, les propriétaires des motos se plaignent de nombreuses pannes qui interviennent lorsqu’une moto est engagée dans ce travail. « Il est vrai que nous avons besoin d’argent mais les motards doivent songer à l’amortissement de l’engin. 200 Kg de farine de manioc ou de poissons, se plaint Kandoli Kakule qui gère plusieurs taximen, la moto n’a pas été construite pour les supporter ».
Au bureau de l’association des motards, la crainte est aussi présente. « Nos villages sont truffés de brigands qui croient que la moto est une fortune. Ils sont prêts à tuer pour ravir la moto. On a déjà vécu ça et nous conseillons à nos membres d’éviter ce genre des courses« , explique Gerlance Kakule, secrétaire de l’ATAMOV (association des taxis motos et voitures). Un danger que les motards sont prêts à braver. « On finit par mourir un jour et la moto, elle finit par tomber en panne, se défend le taximan Jean Kavuke. C’est plus rentable et nous tous on a besoin de vivre. Moi, je ne peux plus faire le tour de la ville pour transporter des passagers ».
Par Kennedy Wema
Cet article relate vraiment la réalité de Butembo qui ne donne pas l’impression de changer bientôt