Au Bas-Congo, au sud-ouest de Kinshasa, les effets du dérèglement climatique planétaire sont de plus en plus visibles. Les pluies sont beaucoup plus abondantes et les chaleurs très fortes. Les agriculteurs, qui sont les premiers à en souffrir, ne savent plus quoi faire.
(Syfia Grands Lacs/RD Congo)
Au Bas-Congo, il pleut de plus en plus. Selon, Milemo Mavuzi, chef de division provinciale de l’Agence nationale de météorologie et de télédétection par satellite, (Mettelsat), « 72 pluies sont tombées en 2010 contre 55 en 2009 ». Il souligne que, pour le seul mois de janvier 2011, la pluviométrie a déjà atteint 500 mm alors qu’il n’était tombé que 883 mm sur toute l’année 2010. « C’est énorme déjà. La situation risque d’être catastrophique », prévient-il.
Depuis près de trois ans, les effets du changement climatique se font de plus en plus sentir dans la région. Selon le professeur Bruno Lapika, consultant au Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), cité par Okapi, la radio onusienne, « l’augmentation de la température liée à l’impact de la déforestation et à l’émission des gaz à effet de serre est un des effets perceptibles du changement climatique ».
Docteur en géographie, Anselme Mbenza estime que les activités humaines y sont pour beaucoup. « Quand vous survolez le Bas-Congo en avion, dit-il, vous découvrez l’extension de la désertification avec des étendues de plaques dénudées, conséquences de la déforestation. » Pour survivre, des habitants coupent du bois pour le vendre, fabriquent de la braise et parfois brûlent la forêt en saison sèche pour attraper des rats.
Pluies et chaleur excessives
Ces fortes pluies causent de graves problèmes. Mi-janvier, une pluie diluvienne a causé d’énormes dégâts à JVL (Jules Valencker), une société agropastorale de Kolofuma en territoire de Mbanza-Ngungu, à près de 250 km de Matadi. « Plus de 250 bœufs ont péri », se plaint un des responsables. Fin décembre à Boma, deuxième ville du Bas-Congo, une autre pluie torrentielle a semé la désolation. « Elle a tué une mère et son enfant, fait s’écrouler des maisons d’habitation et une vingtaine d’écoles privant plus de 4 000 élèves d’accès aux cours et a coupé des routes…’’, regrette Marie José Niongo, le maire.
De très fortes chaleurs sont aussi le signe de ces changements climatiques. De mi-octobre 2009 à mi-mai 2010, c’est à des canicules qu’ont dûes faire face les habitants. Journalière dans une société de téléphonie mobile, Nancy Dituka s’en souvient : « C’était la première fois que nous vivions une telle situation. Nous nous endormions parfois à deux heures du matin et des gens disaient que le ciel s’était troué ! » Selon Nsimba Khonde, de Mettelsat Bas-Congo, « la température a oscillé entre 33 et 35°C alors qu’autrefois elle allait de 27 à 31°. »
Une catastrophe pour les agriculteurs dont les rendements ont fortement baissé. « J’ai perdu presque la moitié de ma récolte », regrette Mamie Mahongo, présidente du Groupe peuple de Dieu (Groupedi), une Ong féminine basée à Kwakwa, à 40 km de Matadi, qui transforme le manioc. Bruno Kitsaka, ingénieur agronome, chef du Projet Horticulture péri-urbaine FAO de Mbanza-Ngungu, confirme que beaucoup d’agriculteurs ont perdu leurs récoltes. « Le calendrier agricole, on ne le reconnaît plus.
Alors que les paysans attendaient la pluie, elle n’est pas tombée et au moment où ils attendaient un peu de sécheresse, il a plu. » Le prix des produits agricoles a galopé : « La caisse de tomates se vendait à 70 000 fc (80 $) alors qu’en temps normal, elle s’écoule parfois à 10.000 fc (11 $) ».
Face à ces dérèglements climatiques, Christian Mpungi, expert en environnement, recommande de « limiter la coupe de bois et la fabrication de la braise et d’utiliser de bonnes méthodes culturales… » Le gouvernement de son côté vient de décider la mise en place d’une commission de lutte contre les catastrophes naturelles.
Par Nekwa Makwala