Dans FESPACO, il y a la lettre O, pour Ouagadougou. Les Bobolais racontent que c’est Bobo, ville naturellement approvisionnée en eau, qui aurait dû être la capitale du Burkina Faso, mais que pour éviter que Ouaga ne se dépeuple totalement, on a installé là les fonctionnaires et le siège de l’état. Mais c’est peut-être la jalousie qui parle? Petit tour d’horizon de la ville pendant le Festival.
Les grandes artères ouagalaises sont goudronnées. C’est le règne des deux roues : motos, solex et vélos se ruent sur les voies qui leur sont réservées ou sur la chaussée. La route principale est occupée par les voitures, des 4×4 d’ONG, une armée de taxis verts plus ou moins délabrés et quelques voitures particulières. J’oubliais les charrettes tractées par des ânes, ou tirées et poussées à bras d’hommes. J’ai même aperçu deux dromadaires blancs, qui regardaient la circulation de leur oeil méprisant. Ils étaient sellés, harnachés. Deux Touaregs à leurs côtés parlementaient avec deux Ouagalais. Peut-être pour savoir où garer leur monture?
Faute de moto ou d’auto à soi, on prend le bus, dont les parcours et les horaires sont méconnus. Ou, plus pratique, on prend un taxi à 200 francs. Ce sont des taxis collectifs. Pour changer de direction, on change de taxi. Parfois, une âme charitable vous prend sur sa moto, dans la circulation toujours folle. Ça peut faire peur.
Un air de fête
Pour toute la durée du Festival, les Ouagalais font journée continue, c’est à dire qu’ils commencent vers 7h30-8h pour finir vers 15h, au lieu de commencer à 7h30-8h, de partir en pause déjeuner de 12h30 à 15h pour terminer ensuite à 18h30. Ils ont ainsi l’occasion de profiter des films. Et la circulation, le soir, est un peu plus fluide.
Dans toute la ville, des petits fanions jaunes, rouges et verts indiquent les lieux où se déroule le Fespaco. Le tapis rouge du ciné Burkina, bien propre dimanche, est désormais jonché de sachets d’eau. À l’entrée de chaque cinéma, des gens consultent la liste des séances, leur montre, s’appellent. Des groupes de touristes blancs déambulent à pied dans tout le centre-ville. Ce sont presque les seuls à marcher.
À la sortie de chaque séance, les journalistes et les autres se pressent autour du réalisateur ou du producteur dans une humeur bon enfant. Ici, il n’y a pas de culte de la célébrité. On approche les acteurs s’ils sont là. Ils ne portent pas de robes de soirées ou de smokings. Ils ne posent pas sur le tapis rouge (utilisé surtout pour la séance d’ouverture). Ils ne sont même pas toujours là.
La billetterie est loin d’être exigeante : on rentre facilement sans billet, puisque certains cinémas n’en ont pas reçu. Ainsi, pour les séances les plus prisées, on peut voir le film assis sur une marche, serré entre un siège, les genoux du spectateur entassé derrière soi enfoncés dans son dos. On regarde le film dans un calme tout relatif, car les Burkinabés adorent leur portable et adorent parler. Mais c’est gratuit.
Il y a aussi le cinéma à ciel ouvert du Centre culturel français, un endroit magique pour y découvrir des oeuvres la nuit, dans la fraîcheur retombée sur la ville. Car les mois de mars et avril sont les mois les plus chauds au Burkina. En ce moment, il fait près de 40 degrés à l’ombre en plein midi.
Power or no power?
Les coupures de courant sont très fréquentes, ce qui retarde parfois les séances. Cependant, le quartier où ont lieu les projections est généralement épargné. Mais dans la zone du Bois où je loge, il est fréquent de n’avoir qu’une ou deux heures de courant par jour. Il revient vers 23 h, juste à temps pour qu’on puisse dormir sous le ventilateur.
L’électricité du Burkina vient de Côte d’Ivoire, et comme la société ivoirienne d’électricité ne peut plus fournir (version officielle) en raison du conflit, elle a fermé un peu les vannes pour le pays voisin. La Sonabel (Hydro local) a donc élaboré un plan de délestage. Mais il n’est pas forcément suivi à la lettre, donc il est difficile de prévoir ses activités. Pour la première fois hier soir, la rue Babanguida était animée : la musique résonnait à toutes les boutiques, d’autant plus fort que les marchands en avaient été privés plusieurs jours.
Dans les six-mètres (les petites rues en terre qui constituent la majeure partie des quartiers de Ouaga, une fois sorti des goudrons), on n’y voit pas grand-chose de nuit, mais ce n’est pas grave, car la ville est généralement sécuritaire.
Les principaux ennuis que rencontrent les festivaliers, ce sont les solliciteurs, vendeurs de tout et n’importe quoi : ceintures, lunettes de soleil, objets en matières recyclées, ou tout simplement « rastas » en quête d’amour plus ou moins désintéressé avec une blanche.
Le spectacle continue
Les projections ont lieu jusque vers minuit le soir, mais des spectacles d’humoristes ou des concerts ont lieu de minuit à 3h au Stade du 4 août ou sur la Place de la Nation. La maison du peuple est aussi très animée, et une galerie marchande, sorte de foire artisanale, a été organisée sur la Place de la Nation. Le Fespaco a aussi sa version « off » et certains donnent leur spectacle pendant le Festival pour avoir plus de visibilité. C’est le cas de la comédie musicale Zalissa la Go, au scénario pas très abouti, mais aux chants et danses superbement interprétés par la troupe d’Irène Tassembedo.
La semaine s’achèvera sur une cérémonie de clôture, samedi. Ensuite, les spectateurs pourront aller au concert de Salif Keita ou découvrir un film primé. Les plus endurcis iront se défouler dans un maquis, une boîte de nuit, ou à la Jungle Party, soirée danse organisée tous les deux mois dans le bois de Ouaga au profit d’une bonne cause. Mais le Fespaco peut repartir, Ouaga demeurera toujours très animée.
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