Le Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou s’est achevé hier soir sur la proclamation des résultats. Toute l’assistance du Stade du 4 août attendait avec impatience de connaître les films primés, le plus attendu étant bien entendu le récipiendaire de l’Étalon d’or, récompense suprême pour les longs-métrages de fiction.
Quand Un homme qui crie du Tchadien Haroun Mahamat-Saleh, a reçu l’Étalon d’argent, les journalistes (occidentaux du moins) se sont regardés avec des yeux étonnés. Cette oeuvre magnifique, poétique et dramatique avait pourtant pour eux la carrure de l’Étalon d’or. Le prix a été reçu par Youssouf Djaoro, acteur principal du film, qui s’est dit ravi.
C’est un coursier, Pégase, qui a remporté le prix le plus convoité. L’oeuvre du réalisateur marocain Mohamed Mouftakir a été saluée par le jury pour l’imagination dont fait preuve le scénario.
Il est vrai que ce thriller psychologique magnifiquement réalisé n’a rien de conventionnel.Il fait sursauter le spectateur en mettant en scène des étalons, une fille déguisée en garçon écrasée par l’autorité de son père fou du Seigneur cheval, un hôpital psychiatrique glauquissime et des acteurs aux visages inquiétants.
Cependant, son scénario difficile à suivre, à la conclusion un peu bancale, ne nous laissait pas prévoir une telle consécration.
M. Mouftakir a souligné que le Fespaco était un grand moment pour le cinéma africain, et que remporter ce prix était un grand moment pour lui. « Vive l’Afrique, vive le cinéma africain », a-t-il conclu.
Le mec idéal, d’Owell Brown, remporte l’Étalon de bronze. À cette annonce, une clameur de surprise et de joie s’est élevée dans les tribunes du côté de la délégation du film.
Le réalisateur, en venant chercher son prix, a déclaré avant de dédier son titre à la jeunesse de Côte d’Ivoire : « Pour nous, la récompense, c’était d’être au Fespaco. Alors avoir ce prix, c’est inespéré ». Le jury a salué un scénario rafraîchissant et de bons acteurs.
« Le Fespaco prouve qu’il s’intéresse à des films à toutes les générations », a dit le présentateur.
En récompensant ainsi l’originalité et des films de style autre que le traditionnel film d’auteur, le Festival a envoyé un message clair : on veut que le cinéma africain explore des thèmes et des formes nouvelles, qu’il ne demeure pas cantonné dans un genre précis, dramatique, réaliste ou engagé.
Notre étrangère, de Sarah Bouyain, ne repart pas les mains vide, puisqu’il remporte deux récompenses : le prix Oumar Ganda, prix spécial, et le prix de l’Union européenne. Voyage à Alger, repart aussi avec le Prix du meilleur scénario et le Prix de la meilleure interprétation féminine. Ce long métrage de fiction a aussi gagné le Prix du meilleur scénario. Quant au Prix de la meilleure interprétation masculine, il est allé au Béninois Sylestre Amoussou, acteur principal et réalisateur du long métrage Un pas en avant, les dessous de la corruption.
Courts métrages
Côté courts, le Poulain de bronze va à Tinye So, du malien Daouda Coulibaly. Tabou, de la Tunisienne Meriem Riveill, repart avec l’argent, et c’est Garagouz, d’Abdenour Zahzah, qui remporte le Poulain d’or.
« C’est la deuxième fois que je suis sélectionné pour le Fespaco. On ne fait pas un film pour remporter des prix, mais c’est encourageant », a déclaré aux journalistes le réalisateurs. D’ailleurs, avec Pégase, Voyage à Alger et Garagouz, sans oublier Essaha et La Mosquée (respectivement Prix de la meilleure affiche et Prix de la meilleure image), ce Fespaco consacre le cinéma maghrébin.
Télévision : peut mieux faire
Pour les séries télévisuelles, le jury n’a pas mâché ses mots : piètre qualité, scénarios simplistes, manque d’originalité. Aucun prix du meilleur scénario pour les séries télé n’a été attribué, et le jury a appelé les organisateurs du festival à faire preuve d’un peu plus de rigueur dans la sélection des oeuvres en compétition.
Côté documentaires, le premier prix a été attribué à The unbroken spirit de Jane Murago-Munene (Kenya), suivi de The witches of Gambaga de Yaba Badoe (Ghana) et de Indochine, sur les traces d’un mère de Idrissou Mora-Kpai (Bénin), d’une valeur de un million de francs CFA plus un trophée.
En résumé, les différents jurys ont joué un rôle d’arbitre de la compétition, mais aussi de garants de la qualité et de la diversité des oeuvres africaines présentées en compétition. C’est un coup de semonce pour certains, un encouragement pour les autres.
Par Floriane Denis, avec Romain Broséus