La plupart des hôpitaux et centres médicaux du Bas-Congo, au sud-est de Kinshasa, manquent d’incinérateurs pour traiter les déchets biomédicaux. Ils se contentent de les enfouir dans de simples trous, un vrai danger pour la santé de la population.
(Syfia Grands Lacs/Rd Congo)
L’infirmier du centre de santé de référence de Songololo chargé de ramasser les déchets biomédicaux produits par son hôpital n’a pas de choix. A la fin de chaque journée, après avoir collecté seringues, aiguilles, poches de sang, cotons usagers…, il s’en va les enfouir dans un trou creusé à 200 m du centre médical de cette cité, située à 70 km de Matadi, chef-lieu de la province du Bas-Congo.
Les accoucheuses vont également jeter au même endroit sang, placenta, myomes… après un accouchement ou une intervention chirurgicale. « Notre centre hospitalier n’a pas d’incinérateur depuis sa création il y a dix ans », affirme Jacky Masika, médecin traitant.
Dans d’autres grands centres urbains de la province, la situation n’est pas différente. A la cité de Lukula, à 170 km de Matadi, une habitante, Hélène Mambote se souvient de s’être occupée elle-même, du sang et des myomes après l’opération de sa soeur. « Prends ce seau et débrouille-toi pour les enterrer », lui avait simplement demandé une infirmière…
Technicien sanitaire à la coordination provinciale de l’Environnement, Gaston Vangu s’inquiète de ces pratiques : « Le manque d’incinérateur dans un hôpital est un danger permanent. ». Lorsque les déchets biomédicaux sont enfouis dans un trou ou jetés dans la nature, ils se décomposent et entraînent la prolifération des microbes, prévient Vangu.
Les risques de contamination sont réels pour le personnel médical et la population qui vivent près du dépotoir. « Ils peuvent attraper des germes microbiens banaux mais résistants aux antibiotiques usuels ou des infections qu’on contracte généralement à l’hôpital. », explique Dr Myriam Kalanzaya, médecin à l’Ong Amo-Congo.
Pas cher, un trou !
« Si nous étions organisés et intransigeants, nous ne devrions pas permettre qu’un centre médical fonctionne sans incinérateur », regrette Gaston Vangu. Mais tel n’est pas le cas. Dans cette province comme dans le reste du pays, la plupart des hôpitaux de référence datent de l’ère coloniale. Les incinérateurs dont ils avaient été dotés à l’époque sont aujourd’hui obsolètes.
Les convaincre de le faire ainsi n’est pas si simple. Car, même pour réparer les incinérateurs tombés en panne, il faut souvent attendre une aide extérieure. « Le nôtre ne marche plus depuis un an », explique Valentine Luadivu, administrateur gestionnaire de la zone de santé de Kimpese, à 145 km de Matadi. Elle fonde ses espoirs sur des pourparlers engagés avec une Ong de la région, qui pourrait réhabiliter cet appareil en cours d’année.
« Vu la distance qui sépare nos pavillons, il nous faut au moins trois incinérateurs », plaide Emmanuel Milandu, administrateur gestionnaire de l’hôpital de l’Institut médical de Kimpese. Confronté à d’énormes besoins, cet hôpital tente de réhabiliter l’unique incinérateur en panne dont il dispose.
Rares privilégiés
En 2010, les incinérateurs de trois formations médicales ont pu être réhabilités à Matadi, grâce à un financement de l’Usaid, l’agence américaine de développement. « C’est comme une manne qui est tombée du ciel, car nous éprouvions des difficultés », s’exclame Dr Sibu, médecin directeur intérimaire du centre de santé de référence de Kiamvu, l’un des heureux bénéficiaires de cette aide. Selon le Dr Emmanuel Panzu, coordonnateur national du Programme Vih/Provic qui a réalisé ce travail, la réhabilitation de chaque incinérateur a coûté 2 200 $.
Pour les gestionnaires de ces hôpitaux, qui sont aujourd’hui considérés comme des privilégiés, le plus dur reste cependant à faire. Nicolas Mabeka, le ministre provincial de la Santé, leur a demandé de bien prendre soin de ces appareils, pour que « demain, ils ne se rabattent à nouveau sur l’Usaid. »
Par Bénita Sambu