Congo(Syfia/CRP)
A 56 ans, Antoinette* semble ne pas subir l’usure du temps. Un visage sans rides, des beaux cheveux synthétiques, des perles au cou et une alliance à l’annulaire. Quand on l’aperçoit pour la première fois, on pense avoir en face de soi une Congolaise Brazzaville coquette qui mène une existence heureuse avec son mari. Et pourtant…
« Aujourd’hui, j’ai une plaie (à l’âme, Ndlr) qu’on ne pourra jamais panser », dit-elle. Cette mère a le sentiment d’avoir conclu un pacte avec le diable en se mariant à un ingénieur, membre de la même Eglise du Réveil qu’elle. Les six premiers mois, ce dernier s’est comporté en mari attentionné. Puis, il a progressivement sombré dans l’alcool et l’a battue, comme il battait ses précédentes épouses…
« Je porte encore beaucoup de stigmates, même au niveau de mes parties intimes de ses traitements humiliants et de ses viols. Un jour, mon mari m’a blessée à la tête avec une bouteille de bière. A quatre reprises, il a menacé de me tuer avec un couteau », se souvient Antoinette. Laquelle regrette d’avoir perdu le « vrai amour » que lui donnait son premier époux décédé.
Pendant 30 ans, Antoinette a caché son calvaire à ses collègues enseignantes. « Espérant qu’il changerait, je tenais toujours à la parole du maire qui nous avait dit que nous étions unis pour le pire et le meilleur. Malheureusement, il est resté le même. » L’éducation reçue de ses parents et, dans le couple, la tenace domination de l’homme dans la tradition bantoue, la retenait également auprès de son époux.
Trop, c’est trop !
Fin 2010, son mari prend une fois de plus le couteau et menace de la tuer, la jugeant responsable de la mort de deux de leurs enfants malades. Trop c’est trop. Antoinette, persuadée de « vivre ses derniers instants », quitte le lendemain le foyer conjugal avec l’aide d’un membre de sa famille. Elle est obligée de laisser là-bas son enfant, bachelier cette année, qui représenterait une charge trop lourde pour ceux qui l’accueillent. Aujourd’hui, elle jure qu’elle ne retournera plus auprès de son bourreau, si ce n’est pour sauver très bientôt son enfant de ses griffes. Petit à petit, elle retrouve le moral et se construit un autre avenir.
Elle souffre cependant toujours de problèmes de tension et conseille aux futures mariées de dire non tout de suite à ces maltraitances. « J’ai pris la décision de partir très tardivement… Je ne voudrais pas que les plus jeunes cautionnent les abus des hommes. C’est une question de vie. Toute femme, malgré le confort, n’est jamais heureuse sans la paix du cœur et la tranquillité de l’esprit. C’est aussi dans sa nature de toujours se savoir aimée. »
Antoinette est loin d’être l’unique victime. Les sources officielles congolaises reconnaissent l’existence de femmes maltraitées par leurs maris. Ils estiment que ces questions sont délicates en raison du poids des traditions bantoues « essentiellement phallocrates », rappelle Barthélémy Ngot, sociologue. L’exemple d’Antoinette montre toutefois qu’une femme peut toujours finir par sortir de la domination, parfois même de la tyrannie, de son mari.
*Prénom d’emprunt