La brigade anti-corruption du Burundi traque depuis un an les agents des centres de santé ou des pharmacies qui exercent avec de faux diplômes et mettent en danger la vie des patients. De nombreuses personnes ont déjà été arrêtées souvent munies d’attestations frauduleuses de RD Congo ou de Tanzanie.
(Syfia-Grands Lacs/Burundi)
« Sanctionner les fraudeurs de diplômes, punir les institutions qui les abritent : voilà notre leitmotiv ! », martèle la brigade anti-corruption du Burundi, qui, depuis un an, combat vigoureusement l’usage de faux diplômes dans les professions médicales. Elle contrôle des pharmacies, des hôpitaux et des centres de santé, demande les diplômes, vérifie leur authenticité et en cas de doute fait passer des tests aux membres du personnel, souvent dénoncés par leurs collègues ou les patients.
Ceux qui ont usé de faux diplômes pour se faire embaucher écopent d’un emprisonnement de 5 à 20 ans et d’une amende de 50 à 150 000 Fbu. Si quelqu’un a présenté un diplôme qui dépasse son niveau d’études, il doit rembourser tous les salaires perçus frauduleusement.
Dans un hôpital de Cibitoke, à l’ouest du Burundi, un pseudo-infirmier se faisait passer pour un diplômé A2, équivalent du baccalauréat. Suspecté par les patients, la brigade est venue vérifier : « Nous lui avons fait faire une dictée de la 5e primaire, à laquelle il n’a même pas obtenu 30 %. Constatant qu’il était découvert, il a pris la fuite et nul ne sait où il est aujourd’hui. »
Concernant les médecins, « il est difficile de vérifier, même en cas de suspicion, car ceux qui s’aventurent présentent des diplômes de pays lointains (Éthiopie, Australie…), explique la brigade. Cela exigerait beaucoup de moyens ».
Diplômes étrangers frauduleux
Même des gens incultes se disent soignants. En province Karuzi, au centre du pays, un homme a été attrapé en train de soigner les gens à côté d’un marché, au vu et au su de tout le monde. En file indienne, en présence d’une foule nombreuse, les gens se faisaient soigner à tour de rôle chez Jérémie Ndayizeye, un illettré.
L’administration, la police, tout le monde savait qu’il n’en avait pas les compétences, mais personne n’a bougé ce qui laisse à penser « qu’il corrompait tout le monde », estime un commissaire de brigade. Les médicaments qu’il utilisait étaient vendus par les tenants des centres de santé, eux aussi impliqués dans l’affaire, selon la même source.
D’autres utilisent des diplômes frauduleusement acquis dans les pays voisins comme la Tanzanie et la République Démocratique du Congo. À l’Est, dans la province de Cankuzo, ceux qui ont des diplômes tanzaniens sont suspectés.
Une vendeuse d’une pharmacie de cette localité s’était présenté avec un diplôme d’institutrice mais elle ne semblait guère lettrée « quand je lui ai remis mon ordonnance pour avoir de l’Albendazol, elle m’a donné de la quinine, ce qui pouvait tuer mon enfant », fait savoir un parent. Ces faux diplômes sont surtout ceux d’infirmier, faciles à obtenir.
Les licences, doctorats et diplômes de pharmacie sont plus difficiles à se procurer et à vérifier, expliquent les agents de la brigade. Au centre du pays dans la province de Karuzi, un autre infirmier a été pris avec la photocopie d’un diplôme d’origine congolaise, mais quand on lui a demandé l’original, il a préféré abandonner le travail.
La brigade anti-corruption fait preuve d’une grande rigueur : « Ceux qui sont attrapés comparaissent devant le tribunal de la cour anti-corruption ; ils sont chassés du travail ou emprisonnés selon la lourdeur de la faute. Quant aux institutions qui les abritent, elles peuvent être fermées. » Les paysans malades sont les plus menacés car ils sont peu instruits et que les contrôles dans l’intérieur sont difficiles.
Personnel non qualifié
Ces fraudes sont généralement individuelles. Les gens y recourent pour avoir un travail ou être mieux payés. Par ailleurs, de leur côté, certains responsables de centres de santé du secteur privé ou de pharmacies préfèrent engager du personnel non qualifié qu’il paye moins cher.
Témoignage d’un pharmacien à Kayanza au nord du Burundi : « Je suis responsable de cette pharmacie qui appartient à un étranger. Il m’a demandé de lui chercher des filles de niveau 6e primaire moins exigeantes, qui demanderont peu d’argent. Je dois chaque fois être vigilant pour qu’elles ne se trompent pas en servant les clients les clients. »
Toutes ces institutions sanitaires privées vont devoir subir des inspections régulières pour protéger la vie des populations. « Tous ensemble, nous devons mener un combat tous azimuts contre l’usage de faux diplômes de santé, car c’est un danger public », a déclaré la ministre de la Santé publique et de lutte contre le sida, lors de l’évaluation du travail de la brigade. Des cas de personnes devenues infirmes à cause d’injections mal administrées ont été rapportés, mais il est difficile d’évaluer le nombre de victimes.
« Nous interpellons tous ceux qui détiennent les maisons de santé pour qu’ils soient rigoureux dans le recrutement du personnel sans quoi des sanctions sévères seront infligées à quiconque mettre en danger la vie de la population », a lancé avec force la ministre.
Par Audace Nimbona