Les médias burundais laissent peu de place aux femmes qui représentent à peine un tiers des journalistes et à peine un quart des sujets d’information. Des déséquilibres à corriger, mais sans imposer de quotas estiment la plupart des professionnels des médias.
Moins du quart (22 %) des informations diffusées par les médias burundais, tant publics que privés, traitent des femmes. Seuls 30 % des journalistes sont des femmes et elles sont moins de 18 % dans les postes de direction. Tels sont les résultats d’une étude réalisée de décembre 2010 à juin 2011 par l’Association des femmes journalistes (AFJO) au Burundi.
Pourtant, le Burundi est cité en exemple pour l’ouverture aux femmes des postes de prise de décisions et leur participation à la vie politique. La Constitution leur accorde un quota minimum de 30 % dans les institutions politiques, quota généralement dépassé.
Ce n’est pas le cas dans les médias : « Les instruments réglementaires, en l’occurrence le Code d’éthique et de déontologie de la presse ainsi que la Loi sur la presse sont lacunaires. Ils parlent rarement et même vaguement de l’égalité des genres », explique Annick Nsabimana, présidente de l’AFJO.
Cependant, pour les professionnels des médias, masculins comme féminins, les femmes ne rencontrent aucun problème à exercer ce métier. « Nos interlocuteurs sont plutôt enthousiastes quand ils ont affaire à une femme journaliste », dit l’un d’entre eux.
Faire jouer la compétition
Pour la plupart des journalistes, corriger le déséquilibre actuel dans les médias en imposant des quotas serait une façon de les marginaliser et de les stigmatiser. « Pourquoi ne pas les laisser entrer en compétition comme les autres ? Je me souviens que même à l’école, elles étaient souvent plus brillantes que nous. Pourquoi pas dans la vie professionnelle ? », s’interroge notamment le journaliste Albéric Ndayirukiye.
« Le relèvement du niveau de représentation des femmes dans les médias ne viendra que de l’esprit de compétition et d’un engouement de nos sœurs pour la profession journalistique, renchérit Alexandre Niyungeko, président de l’Union burundaise des journalistes (UBJ). Il n’est pas question de leur faire un traitement de faveur. Les femmes journalistes doivent seulement bénéficier des avantages que leur reconnaît la loi, notamment les congés de maternité. »
Même la présidente de la Maison de la presse du Burundi, Denise Mugugu, s’inscrit en faux contre une démarche qui imposerait des quotas. « Il n’est pas question de coopter les femmes comme on le fait en politique pour avoir l’équilibre dans les institutions, insiste-t-elle, avant de poursuivre. Ce serait favoriser la médiocrité. Les femmes journalistes doivent fournir le meilleur d’elles-mêmes pour changer la donne en occupant plus de place dans le monde médiatique. »
Changer l’image des femmes
L’important est surtout de changer l’image très dévalorisante des femmes donnée dans les médias estime une fonctionnaire du ministère de l’Enseignement primaire et secondaire : « Quand nos médias parlent des femmes, c’est souvent en tant que mendiantes, violées, battues ou prostituées. Rarement comme des personnes de valeur. » Elle recommande de les montrer plutôt comme étant les piliers du foyer et de la société qui savent influencer ou intervenir à bon escient dans les prises de décision.
Selon A. Nsabimana, il faudrait mettre sur pied une charte pour corriger ces disparités et amener les journalistes à traiter les sujets qui parlent des femmes avec professionnalisme. « Sinon, ajoute-t-elle, nous devrons continuer à plaider auprès des responsables des médias pour qu’ils intègrent ces problèmes lors du recrutement des journalistes et dans le traitement de l’information. »
Par Anaclet Hakizimana