En République démocratique du Congo, certains Pygmées ont fait leur entrée dans les milieux du football (soccer) à Mbandaka, dans la province de l’Equateur. Certains d’entre eux sont déjà des vedettes qui soulèvent des foules.
Au mois de juin, lors d’un match comptant pour la 1ère journée de la phase retour du championnat de l’Entente urbaine de football de Mbandaka, un joueur fait se lever le public du stade. Mpia, alias Mazembe, vient de marquer le troisième but de son équipe, le F.C. Lumière, après une parfaite réception du ballon, un crochet et une frappe instantanée qui n’a laissé aucune chance au portier adverse.
Ses coéquipiers accourent et le congratulent, pendant que le public applaudit frénétiquement le chef-d’œuvre…
Un but qui aurait pu être banal malgré la beauté du geste, si son auteur n’avait pas été un personnage singulier. Mpia est en effet Pygmée.
Milieu de terrain offensif de son équipe, l’une de grandes formations du chef-lieu de la province de l’Equateur (nord-est de la Rd Congo), il fait partie du petit carré des joueurs de cette communauté généralement discriminée, qui ont réussi à pénétrer dans les milieux des sports, principalement du foot. « En tout cas, ils sont bons balle au pied », assure Jeancy Mvala, un ancien entraîneur.
Leurs talents avant tout
Deux Pygmées jouent en effet, aujourd’hui, déjà dans des clubs de la division d’élite de Mbandaka. Mais ils sont un peu plus nombreux dans des groupements de football des jeunes de la ville. La plupart d’entre eux ont été repérés lors des tournois organisés, ces dernières années, par des sportifs et des acteurs politiques qui militent pour leur intégration dans la société. Ces matchs mettent aux prises de petites équipes de quartiers composées essentiellement de Pygmées.
Les plus talentueux d’entre eux attirent ainsi l’attention des recruteurs. « Quoique le chemin qui mène vers leur intégration dans les grands clubs soit émaillé d’écueils à cause des préjugés ethniques et sociaux qui pèsent sur eux, certains ont réussi, par leur talent, à briser le mur de l’isolement », affirme un des mécènes de ces rencontres de foot entre jeunes Pygmées.
Mpia, le plus en vue de tous que les fans appellent “Mazembe”, du nom du club congolais de la province du Katanga (sud-est du pays), quatre fois champion d’Afrique, évolue dans le championnat d’élite depuis maintenant trois ans. Il savoure aujourd’hui son succès, de même que Inano Botoko, le deuxième joueur Pygmée qui évolue avec lui dans le même championnat. Il a été récemment recruté par l’Association sportive Babeti ya Sika. Avec les autres joueurs (bantous), « l’ambiance est bonne, je suis à l’aise », dit-il, même si par ailleurs, il avoue ressentir quelques réticences dans le comportement de certains de ses coéquipiers.
Evolution positive
Dans le F.C. Lumière, le capitaine, Bienvenu Ndebo, n’est pas du tout gêné de la présence de Mpia, devenu l’une de pièces maîtresses de l’équipe. Car pour lui, le football est avant tout un sport collectif qui exige discipline, communion d’esprit et cohésion dans le jeu pour avoir des résultats : « On ne peut pas vouloir constituer une équipe homogène et forte en créant des frustrations en son sein, par la politique d’exclusion. » Quelle que soit son appartenance ethnique ou raciale, il n’est pas question, dit-il, de rejeter l’autre. « Pygmées ou pas, nous sommes tous astreints aux mêmes traitements, conditions et règlements édictés par la direction du club et les instances du football. »
Ce changement de regards de la société vis-à-vis des Pygmées qui vivent essentiellement en forêt et envers qui les bantous ont toujours eu peu de considération, a aussi été récemment observé en politique. Dans la même province de l’Equateur, en mars 2011, l’Assemblée provinciale a en effet accueilli, en son sein, Jérôme Bokele Bondenge, le tout premier député Pygmée du pays. « Je suis content d’être là, je crois que cela vient de Dieu », s’était-il simplement exclamé.
Par Mathieu Mokolo