Les chercheurs d’or de Mongwalu dans l’Ituri au nord-est de la RD Congo vont devoir reprendre la houe. L’exploitation artisanale de ce métal précieux est suspendue et une société industrielle va bientôt remplacer les creuseurs. Une opportunité pour changer de vie et peut-être mieux vivre ?
La ville de Mongwalu, située à 87 km au nord de Bunia, district d’Ituri dans la Province Orientale ne paye pas de mine. Des gens s’y promènent pieds nus et vivent dans des petites maisons en planches et en pisé. Le centre commercial abrite les mêmes maisons qui servent de comptoirs d’achat d’or, de restaurants et à d’autres activités commerciales.
Les infrastructures sociales y sont peu visibles : quelques écoles, un hôpital mal équipé et quelques petits centres de santé primaire.
Elle est dotée d’un aérodrome avec une petite piste en terre battue où atterrissent à tout moment des avions petits porteurs affrétés par les exploitants miniers. Pourtant, c’est une cité minière qui vit de l’or.
Elle connait une forte concentration de populations venues de différentes régions qui s’y sont ruées dans l’espoir d’enrichir.
C’est pourquoi « la mesure de suspension de l’exploitation artisanale de l’or, prise par l’autorité provinciale au début de l’année 2011, a été mal accueillie et a provoqué un tollé général chez les orpailleurs. Des voix se sont élevées de partout pour contester cette mesure », relate le président de la société civile de la ville.
De l’or mais pas de vivres
Les gens n’ont en effet pas d’autres ressources que l’or. Mongwalu dispose de trois importantes mines d’or (Adidi, Sezale et Makale) exploitées par les gens de la région depuis plus de trois décennies. Un autre gisement très important, celui de D7 Kanga, renfermerait, selon les experts et prospecteurs, des quantités importantes d’or non encore exploitées.
Les habitants ne cultivent pratiquement pas et les denrées alimentaires proviennent de Bunia et de ses environs et coûtent cher dans cette cité minière. « Déjà rien qu’avec la fermeture de la seule mine d’or d’Adidi, la circulation monétaire a baissé sur le marché à Bunia et ses environs », indique André Paluku, opérateur économique et membre de la FEC (Fédération des entreprises du Congo). Ceux qui y travaillaient se déplacent vers les mines encore en activité. « Mais pour combien de temps ? », s’interrogent-ils.
« L’or étant une matière non renouvelable, la population doit être conscientisée afin qu’elle bouge et se reconvertisse pour son avenir, insiste Raymond Onyani, secrétaire exécutif de l’Ong ADEI (Action pour le développement en Ituri). Le district d’Ituri disposant d’une bonne étendue de terres fertiles, il faudra chercher des alternatives, notamment par le développement de l’agriculture, de l’élevage et la création des coopératives agricoles. »
Les inquiétudes de la population sont liées aussi à l’ouverture d’une mine d’or par la société anglaise AGK (Aglo Gold Kilo), qui compte bientôt se mettre au travail et qui a fourni à l’autorité provinciale des données techniques d’exploitation. Celles-ci imposent un déplacement de la population pour des raisons à la fois sécuritaires et sanitaires. « La population sera éventuellement délocalisée vers un autre lieu qui n’est pas encore ciblé pour la protéger contre les risques d’accidents dans ce périmètre, dus aux explosions à la dynamite lors des excavations », explique Jean Pierre Baklisende, chef de la cité minière de Mongwalu.
« Notre souci est de savoir si les exploitants artisanaux et industriels vont pouvoir cohabiter, explique l’abbé Alfred Buju, coordonnateur de CAJP (Coordination de la commission diocésaine Justice et Paix) en Ituri. Il va alors falloir que l’État tienne compte de la situation des creuseurs. »
« On pourrait, par exemple, poursuit-il, réserver des sites dans des concessions, qui seraient cédés aux exploitants artisanaux tandis que les grandes concessions seraient laissées aux exploitants industriels. » Mais rien n’est moins sûr. « L’exploitation industrielle de l’or va sans doute contraindre la population à se déplacer et à aller chercher un autre mode de vie, prévoit François Bura, chef de travaux à l’ISP (Institut supérieur pédagogique) à Bunia, car la machine va remplacer l’homme. »
Il est temps pour les habitants, estiment les associations qui mènent des plaidoyers en ce sens auprès du gouvernement et des exploitants miniers, de changer d’activité et de vie, loin de celle de chercheurs d’or, dont ils n’ont guère tiré profit toutes ces décennies.
Par Désiré Bigega