L’ONF a projeté, le 28septembre dernier, deux documentaires sous le thème des albinos : Kina, un court-métrage burkinabé inédit de Sounkalo Dao et Noir et blanc aussi… de Jean-François Méan sur la situation des albinos en Tanzanie, diffusé cette année sur TV5 Canada.
C’est une expression de soulagement que l’on peut déceler sur le visage des spectateurs lorsque les lumières reviennent peu à peu éclairer et réchauffer la salle. La raison : une modification judicieuse de dernière minute dans la programmation. Kina qui précédait le documentaire de Jean-François Méan se retrouve finalement en dernière position concluant ainsi toute la projection.
Cette initiative bien accueillie par le public a permis à celui-ci de quitter le cinéma avec en tête, les éclats de rire de la jeune héroïne de quatre ans Sakinatou Djeneba, atteinte d’albinisme, dotée d’une maturité sans égale, d’une joie de vivre incommensurable et d’un franc-parler désarmant.
Loin des massacres violents perpétrés contre les albinos les plus faibles et les plus démunis en Afrique de l’Est, Sakinatou est à l’abri des coups de machette nocturnes. Considérée comme une bénédiction, sa différence est vécue dans son entourage et dans son pays comme un cadeau de Dieu qu’il faut chaque jour chérir et aimer.
« Pourtant, il ne faut pas se méprendre, la conception de bénédiction peut être très large », a expliqué Jean-François Méan en réponse à une question sur les conceptions différentes concernant la communauté des albinos d’un bout à l’autre de l’Afrique.
« Lorsque les chasseurs en Tanzanie coupent les membres des enfants atteints d’albinisme, c’est dans le but d’en faire des porte-bonheurs, a-t-il ajouté. Tout comme le fait de boire le sang des enfants assassinés, le breuvage est considéré chez les guérisseurs comme un puissant remède. Alors où se place la frontière entre bénédiction et malédiction? ».
Le public, attendri par le charisme de la jeune fille revenue d’un séjour de Ouagadougou, n’en oublie pas pour autant les images percutantes et traumatisantes de Noir et blanc aussi… et, assaille le réalisateur afro-canadien de questions pertinentes, témoignant de leur réceptivité et de leur sensibilité face au sujet.
« Aujourd’hui, il y a un albinos pour deux mille personnes, ce qui est un taux très élevé contrairement à l’Amérique du Nord. Les infanticides et autres actes atroces ont débuté en 2007 et malgré six condamnations pour environ soixante meurtres, le gouvernement tanzanien n’a pas souhaité financer les procès.
Et ce, malgré les bonnes paroles et les promesses d’actions politiques. Une des manières possibles pour enrayer définitivement les tueries souvent fomentées par la famille proche – oncles, pères, frères -, c’est d’impliquer les chefs religieux et ainsi appuyer le discours occidental déjà bien présent dans les pays africains.
Encore aujourd’hui, le rôle de guérisseurs tient une place considérable dans la vie des villages et le mélange malsain de traditions et de manipulation donne encore lieu à des barbaries innommables. »
Jean-François Méan souhaite faire évoluer les mentalités avec ses projections communautaires qui lui permettent une large diffusion notamment au Kenya, au Nigeria, au Tchad, au Ghana ou encore en Afrique du Sud.
« Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un discours scientifique sur ce qu’est l’albinisme, a-t-il souligné. Une définition claire et précise pour que ceux qui sont encore persuadés que les albinos ne sont pas des êtres humains sortent de leur ignorance et agissent pour faire reculer la discrimination ».
Jean-François Méan se prépare actuellement à rejoindre Nairobi pour la sixième édition du festival international du film kenyan (qui aura lieu du 21 au 30 octobre 2011) où son documentaire sera projeté.