Au Nord-Kivu, dans les universités et les écoles de Goma, les étudiants rwandais sont de plus en plus nombreux et très bien acceptés. Les Congolais qui vivent de l’autre côté de la frontière bénéficient de la même tolérance.
À Goma, ville congolaise voisine de Gisenyi au Rwanda, le changement est significatif. Contrairement à il y a une décennie, aujourd’hui, personne n’ose parler ni même penser à une « agression » ou à une « infiltration » en observant la présence accrue de leurs frères rwandais.
Les universités, les instituts supérieurs et les écoles secondaires de la ville enregistrent de plus en plus d’étudiants en provenance du pays voisin.
Le CIDEP (appelé il y a encore peu de temps Université ouverte) par exemple, compte dans son effectif jusqu’à la moitié d’étudiants qui sont soit des Rwandais venant quotidiennement de Gisenyi en traversant la frontière, soit des résidents de Goma d’origine rwandaise.
Dans cette université, les conflits socioculturels sont totalement absents. Situation presque identique à l’Institut d’enseignement médical (IEM), situé à proximité de l’Université de Goma (Unigom), où jusqu’à huit infirmières sur dix formées sont des Rwandaises.
Même les écoles qui, il y a quelque temps, toléraient difficilement les « étrangers » comme on les appelait alors, voient aujourd’hui ceux-ci y évoluer sans le moindre problème. À l’Institut supérieur de commerce (ISC), en mars dernier, on a cependant assisté à un conflit social d’origine interethnique à l’occasion des élections du nouveau comité estudiantin. Violentes bagarres, portes d’auditoires détruites, pupitres démolis, bâtiment administratif incendié… Six étudiants ont été arrêtés.
Ceux d’origine rwandaise n’étaient toutefois pas concernés par ces troubles. Ils sont minoritaires à l’ISC, mais ils y sont bien intégrés. L’un d’entre eux explique : « Pendant deux ans, j’ai hésité à venir m’inscrire ici, tellement on nous disait que cet établissement était réservé aux Nande (originaires du Grand-Nord du Nord-Kivu, Ndlr). Maintenant, je suis en deuxième licence et, en cinq ans, je n’ai jamais été inquiété. Je suis Rwandais, tout le monde le sait et je pense que tout le monde s’en fiche ! ».
« Les Rwandais sont des gens comme vous et moi »
La tolérance fonctionne aussi dans l’autre sens. Esther, une Congolaise partie s’établir depuis peu à Gisenyi pour suivre son beau-frère évangéliste, raconte : « J’ai eu peur au début, mais, étant donné que nous traversons ensemble la frontière chaque matin et chaque soir, j’ai l’impression de vivre au Rwanda depuis des années ! » Esther est étudiante à l’ISTM de Goma en première année et, l’année dernière, elle a repris son premier graduat avec une de ses amies rwandaises avec qui elle traverse chaque jour la frontière.
Cette intégration s’observe aussi dans d’autres secteurs comme le marché des produits alimentaires. C’est en effet Gisenyi qui approvisionne Goma en pommes de terre, en choux fleur, en tomates… Quant aux téléphones portables à prix abordables, ils sont vendus pour la plupart dans des magasins appartenant à des marchands venant du Rwanda.
Pour le professeur Mbokani Kambale, actuellement secrétaire général académique de l’ISC et qui a enseigné l’anglais dans plusieurs universités du Rwanda, les Rwandais sont « des types géniaux ». Il précise avec son humour, son accent jovial et son air sage : « Ce sont des gens comme vous et moi. La preuve, j’ai passé quinze ans chez eux et ils ne m’ont jamais rien fait ! » De nombreux étudiants de Goma contribuent à banaliser de plus en plus cette réconciliation entre Rwandais et Congolais. La paix et la stabilité dans la région n’en attendent pas moins. Il y a des signes encourageants qui ne trompent pas.
Par Didi Croyant Musavuli Mwamini