Plus d’une dizaine de ministres, des dizaines de conseillers de cabinets ministériels et d’autres agents administratifs sont candidats aux élections du 28 novembre en RD Congo. Partis en campagne électorale, les ministères et l’administration publique fonctionnent du coup au service minimum…
(Syfia International)
Angélique* est lasse de faire plusieurs tours au ministère des Affaires foncières, où elle compte rencontrer le ministre pour dénoncer une « tentative de spoliation de (sa) parcelle orchestrée par un conservateur des titres fonciers de Kinshasa ».
Sous un soleil de plomb, ce 21 novembre, elle sue à grosses goûtes depuis près de deux heures, dans la salle d’attente du ministère. « Son excellence est parti battre campagne et ne sera pas de retour avant 16 heures. Il n’a plus le temps de descendre sur le terrain pour trancher certains conflits », lui répond un policier de garde.
Le ministre des Affaires foncières est candidat député à Kinshasa. Mais, il assure, en même temps, l’intérim d’une dizaine de ses collègues, eux-aussi candidats et qui sont tous partis en campagne en provinces.
Au ministère des Finances, en l’absence du titulaire qui bat campagne dans sa province d’origine, le Maniema, son adjoint est candidat député à Djugu, en Ituri, dans la Province Orientale. Il a dû interrompre sa campagne à la mi-novembre, rappelé d’urgence dans la capitale pour reprendre en main deux ministères clés, des Finances et du Budget, également déserté par le titulaire. « Les finances sont délicates, on ne peut pas laisser ce poste vide », affirme un membre de ce cabinet ministériel.
Les dossiers traînent
Plusieurs administrations semblent paralysées. Les couloirs des ministères, généralement mouvementés, affichent un calme plat en cette période. Aux Affaires foncières où en plus du ministre, des conseillers, le chef du protocole et son adjoint sont candidats, il est difficile d’obtenir le moindre renseignement.
Même climat au ministère de l’Environnement, conservation de la nature et tourisme où le ministre, candidat député, fait sa propagande électorale dans la province de l’Equateur (nord-est du pays). Dans les couloirs de ce ministère, le coordonnateur d’une ONG de lutte contre le réchauffement climatique se mord les lèvres. Il espérait obtenir, le 22 novembre, l’autorisation pour lancer un programme à la fin de ce mois. Il devra attendre le retour du ministre pour connaître l’issue de sa requête.
Contrairement aux fonctionnaires et agents de l’administration publique, aux mandataires des établissements publics, aux magistrats, aux membres des forces armées et de la police qui sont contraints de démissionner s’ils sont candidats, la loi électorale n’est pas explicite à propos des ministres. Il en est de même des gouverneurs des provinces. Excepté le ministre de la Décentralisation qui a démissionné avant de poser sa candidature à la présidentielle, les autres ont tiré profit de cette loi assez évasive à ce sujet, pour se porter candidats.
Partis en campagne électorale, ils doivent néanmoins s’organiser pour que leurs portefeuilles ne soient pas laissés à l’abandon. « C’est logique qu’ils s’occupent entre-temps de leur fonction, car ces postes sont avant tout politiques. Et c’est la tradition, même dans les vieilles démocraties », explique Me Hubert Efole, secrétaire général du RCD, un parti politique d’opposition.
Exigence morale
Pour clarifier les choses, « le législateur aurait dû exiger la démission des ministres candidats au même titre que les mandataires publics », suggère Joseph Kongolo, un politologue. Lors d’un forum sur l’état des lieux du processus électoral en RDC, organisé début novembre à Kinshasa avec les partis politiques, le vice-président de la Commission électorale indépendante, Jacques Ndjoli, avait évoqué le statut des gouverneurs et ministres candidats, que le législateur a passé sous silence. Pour lui, la question de leur démission est d’ordre éthique et moral. « Il faut que les autorités publiques qui sont candidats sachent mettre une frontière entre leurs deux casquettes et trouver un juste équilibre. ».
Par Raoul Biletshi