Femi Kuti et la scène, voilà deux mots presque indissociables l’un de l’autre. Dans le cadre du Festival Africolor, le digne héritier de la tradition de l’afrobeat nigérian a une fois encore fait valoir tout son talent, le 4 décembre dernier, à notre plus grande satisfaction.
PARIS
Pour Femi Kuti, jouer en concert est comme aller au bureau pour d’autres. La scène, c’est sa deuxième nature, c’est son espace, non seulement de travail, mais aussi d’expression; un lieu où il peut pleinement diffuser sa musique ainsi que la vision du monde qui s’y rattache.
Peut-on en effet isoler la musique afrobeat de son histoire? Comment oublier le père du genre, le légendaire Fela Kuti qui, dans un élan contestataire né dans les années 70, accusait les tyrans nigérians et les multinationales de dépouiller les ressources naturelles du pays, alors que la population se ghettoïsait de façon dramatique, attirant ainsi la foudre des autorités au pouvoir?
Voilà le contexte dans lequel grandit Femi Kuti. Les références à Fela sont souvent difficiles à éviter, mais plus qu’un désir d’établir des comparaisons faciles, il s’agit plutôt d’un moyen de rendre hommage à son aïeul, lui dont le cri trouve toujours résonance grâce à l’énergie de l’inépuisable clan Kuti.
Et ce dimanche après-midi là (le concert a débuté à 15 h 30), la tache était dure. Épuisé par une performance la veille et le voyage de huit heures qui s’en suivit, c’est un Femi Kuti doutant de sa force qui a débarqué sur scène, accompagné d’un orchestre de douze musiciens et de ses deux fidèles disciples : son saxophone et sa clarinette.
« It’s Lagos, it’s Africa, it’s afrobeat ! »
Ce concert avait quelque chose de différent. Tout d’abord, la sélection musicale très large, couvrant aussi bien des titres du récent Africa for Africa que d’autres bien plus anciens, reflétait le clair désir de Femi Kuti d’afficher l’ensemble de son œuvre. Une occasion pour les nouveaux de découvrir les différentes étapes par lesquelles l’artiste nigérian est passé, et pour les admirateurs de la première heure de replonger à travers le temps.
Femi paraissait en outre dans un état d’effervescence tout simplement intarissable. Il a sauté tel un forcené, gesticulé de manière frénétique, a alterné les instruments tout en prenant le temps de soulever son public, qui s’est retrouvé embarqué dans un autre monde, plus proche du golfe de Guinée que de l’Ile de France. Cette vitalité reflète la puissance et les nerfs de la ville de Lagos, capitale du Nigéria, et source de la tension qui anime la musique de Femi Kuti.
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C’est de là que Femi puise sa colère contre l’injustice, même si cette haine se veut non-violente et constructive. « La vie pourrait être paisible et très facile si les gens cessaient d’être avides, corrompus et d’exploiter les autres », a-t-il dit après le concert. Toute l’essence de ce discours a plané durant l’ensemble de sa performance, car à l’instar de son père, Femi voit la musique comme un vecteur de paix, une arme du futur.
Toutes ses déclarations contre la corruption et les méfaits de ce monde se sont terminées finalement sur une note plus positive. Alors que les chansons se sont enchaînées presque sans répit, Femi a lancé à la foule, en guise de conclusion : « Allons tous nous coucher et faire l’amour ».
Sur ces paroles, toujours aussi efficaces, Femi Kuti a quitté la scène et a laissé une audience vidée par deux heures dont l’intensité et l’engagement, à la fois musical et politique, resteront gravés dans nombre d’esprits ici présents.
Crédit photo : Julien Mignot