Depuis la sortie de la collection Ethiopiques, qui s’efforce de faire ressortir les trésors oubliés de la musique du pays d’Hailé Sélassié et de la reine de Saba, de plus en plus de mélomanes dansent aux sonorités de ce groove étrange. Un double album rend désormais compte de cet état des lieux : « Noise and Chill Out : Ethiopian Groove Worldwide ». Récit d’une écoute palpitante.
« Noise », le premier disque de ce double, offre une variété d’interprétations, que ce soit sous une forme actualisée du patrimoine éthiopien (le traditionnel « Guragigna » par le groupe Dub Colossus) ou bien d’une façon beaucoup plus punk (l’excellente pièce « Gonder C’est Bon » de Eténèsh Wassié & Mathieu Sourisseau).
Le groove n’en est nullement affecté. Il se décline entre le bassin, les fesses, les poings, les pieds et la tête. Enfin, l’Imperial Tiger Orchestra réussira à déployer tous ces éléments du corps avec leur interprétation du titre Emnèté.
Le deuxième disque, « Chill Out » nettement plus tempéré, décline l’Éthiopie tout en grâce et en relectures originales.
Le clarinettiste Xavier Charles, connu pour ses improvisations jazzistiques et ses multiples collaborations (notamment avec The Ex et Gétatchèw Mèkurya), propose une très apaisante version « Muziqawi Silt », tandis que le légendaire Kronos Quartet interprète « Aha Gèdawo ». Le DJ et réalisateur de talent Pascal Asselin (de Québec, a.k.a. Millimetrik) livre également une lecture hip-hop du rythme éthiopien sous la bannière de son projet « The Snowflake ».
D’emblée, le disque double plante le décor avec un livret digne de ce nom et un texte de Francis Falceto, directeur de la collection « Éthiopiques », expliquant la raison de naître de cet album.
Fait à noter, c’est le dénominateur commun des disques de cette collection que d’offrir un appareillage historique décent. C’est une leçon que devraient retenir plusieurs autres maisons de disques oeuvrant dans le vaste monde des musiques dites world.
« Noise and Chill Out : Ethiopian Groove Worldwide » est un disque qui réussit bien la réunion des genres, sous la bannière d’État indépendant le plus vieux d’Afrique, l’Éthiopie, pays de poésie, de groove et de résistance.
Origine d’Éthiopiques
Lors de ma première rencontre avec la musique éthiopienne, je n’ai pas tout à fait compris. La sonorité de la langue, l’amharique, le groove jamesbrownien et les mélodies étaient bien loin de tout mon héritage occidental et en même temps complètement dans le ton.
L’Éthiopie s’est dès lors emparé de moi par l’entremise de son chanteur le plus emblématique, Mahmoud Ahmed, un crooner qui a enflammé le cœur des midinettes d’Éthiopie dans les années soixante-dix.
En 1985, Mahmoud Ahmed a rencontré un homme, musicographe, Francis Falceto, dans sa boutique de disques et ils travailleront ensemble, quelques années plus tard, lors de la chute du régime dictatorial. L’aventure de la collection Ethiopiques débute alors.
« Noise and Chill Out : Ethiopian Groove Worldwide », collection EthioSonic, Buda Musique, 2011.
Sortie Canada et USA : 1er février 2012. Distribution Allegro pour chaque pays.
CD 1, « Noise » : Dub Colossus, Eténèsh Wassié & Mathieu Sourisseau, Rattlemouth, uKanDanZ, Alexo, Tezeta, Dereb, Man Bites Dog & De Amsterdam Klezmer Band, Imperial Tiger Orchestra, Nubian Ark, Debo band, Le Tigre (des Platanes), Arat Kilo, Jazzmaris, Gétatchèw Mékurya & The Ex + guests
CD 2, « Chill Out » : Xavier Charles, eth, Tsedenia Gebremarkos, Kronos Quartet, Either/Orchestrs & Batha Gèbrè-Heywèet, Daniel Tèchanè, Snowflake, Charlie Sutton & Jeff Fuller, Zèritu, Samuel Yirga, Yasuaki Shimizu & Saxophonettes, Abegaz & Jörg, Akalé Wubé.