Pour célébrer leur grand retour sur la scène après huit ans d’absence, le groupe toulousain Zebda a récidivé avec un nouvel album, Second Tour, sorti au Québec depuis le 21 février, et témoin de leur engagement et de leur combat constant pour une société plus juste et plus équitable.
Dès le premier morceau Les deux écoles, l’auditeur est plongé dans le vif du sujet et il est question d’interculturalité et de stigmatisation. Empruntant à la chanson populaire, les auteurs demandent au fameux frère Jacques s’il dort et s’il faut forcement choisir entre deux chemins, l’un disant « merde », et l’autre « s’il te plait », « remplis ta tête » et l’autre « tes poches ».
Tout en douceur, et sur un son ska forcement composite, caractéristique de l’album, à quelques exceptions près, cette pièce reste dans la tête, tandis que la deuxième, Le dimanche autour de l’église se savoure délicieusement (voir clip vidéo plus bas), autant par sa mélodie, que, surtout, par son texte.
Là encore, il est question de cette France pluriculturelle, ou des langues se mélangent, faisant un pied de nez au débat sur l’identité nationale, un des thèmes qui est souvent revenu dans l’actualité politique du pays de Victor Hugo et de Voltaire ces dernières années.
Voilà l’exemple de sujet qui motive Zebda à reprendre sa plume vitriolique. « Il y a un je ne sais quoi qui m’agace », réplique-t-il forcément à ceux qui ne voient que religion, choc d’identité et discorde.
Joint dans son Hexagonal natal, Mustapha Amokrane, qu’on appelle simplement Mouss, confirme que le groupe est de retour pour le combat. D’ailleurs l’a-t-il vraiment quitté? « La scène on ne l’a pas abandonné », dit-il.
Ce nouveau projet de Zebda n’arrive pas par hasard quelques mois avant la présidentielle Française de 2012. Parlant d’un « cadre électoral », le frère de l’autre insiste sur « le débat d’idées », mais prévient toutefois les « racistes en costard » contre un « hold-up électoral ».
« [“Second Tour”], c’est une forme de résistance à des idées racistes et nauséabondes », explique Mouss, 44 ans.
Et la ténacité, le trio Zebda (beurre en arabe) en sait quelques choses. Depuis près de 27 ans, Magyd Cherfi, Mouss et Hakim Amokrane répandent leur message d’action. Quand il faut, ils laissent tombent leur chemise et reprennent en chœur leur chanson Motivé, devenue hymne pour beaucoup de manifestations et d’indignés.
« Il faut absolument qu’on soit présent pour opposer une parole à ceux qui disent que nous sommes un échec », souligne Magyd, lorsqu’un journaliste de L’Humanité lui demande si, en tant que citoyen, il s’engagera dans la présidentielle.
Pendant leur pause, Magyd, 49 ans, en a profité pour faire des projets solos (deux disques, deux livres, Livret de famille et La trempe) et s’est même laissé tenté par la politique aux municipales, en 2008.
Les frères Amokrane, eux, se sont lancés dans un projet musical, « Origines contrôlées », disque de reprises de chansons de l’émigration algérienne qui leur a permis de raffermir le lien avec leurs racines algériennes. « [On avait] besoin de clarifier certaines choses sur notre histoire », souligne d’ailleurs Mous.
« On est né en France, mais nos parents nous ont transmis beaucoup de choses. On adore l’Algérie, souligne-t-il à propos du pays de leur parent. On adore y aller. »
« Impossible est parfois Français », reprennent-ils toutefois dans la pièce Les proverbes du nouvel album Second Tour. Par contre, à une partie de la droite française, le message est clair : « la discrimination est un fléau », prévient-il encore.
À la gauche française aussi, un avertissement est lancé. « Le problème n’est pas que social […] Oui il est social, mais il est aussi culturel », fait savoir le plus grand des jumeaux Amokrane qui insiste sur cette diversité complexe, mais sans angélisme, comme ce fut le cas au lendemain de la victoire des Bleus en 98, avec cette notion de la France Black–Blanc–Beur.
« On n’est ni dans l’angélisme, ni dans la diabolisation, on est dans la réalité »
Mustapha Amokrane
Produit par Nick Sansano, ce nouvel opus est un album plein de « tiques » : caustique, ludique, politique, mais surtout fantastique. Il propose « La correction » d’un système, d’un pays, le leur, tout en confirmant leur « Talent » pour la défense de leur principe, au premier rang duquel l’universalisme.
À ceux qui refusent de voir la vérité en face, Zebda chante « Tu peux toujours courir » et Mouss clarifie : « Il va falloir apprendre à déconstruire l’imaginaire colonialiste ».
Zebda est définitivement de retour avec son discours et ses principes, mais surtout avec sa musique, à l’image des membres du groupe, empreint de beaucoup de maturité.
Pascal Cabero et Vincent Sauvage n’ont pas réintégré Zebda, mais d’autres ont repris le flambeau. Magyd Cherfi, Joël Saurin (basse), Rémi Sanchez (accordéon, claviers), Hakim et Mouss Amokrane ont repris l’aventure, sans calcul, pour le plus grand bonheur de leurs admirateurs, forcement, toujours fidèles.
Pour aller plus loin
- Un extrait vidéo de « Le Dimanche autour de l’Église », version Off session
- La version officielle du clip officiel « Le Dimanche autour de l’Église »