Mali : le coup d’Etat militaire divise les Maliens

Alors que la rébellion touarègue semble progresser au nord-est du Mali, à Bamako, supporters et adversaires des militaires qui ont pris le pouvoir le 22 mars organisent manifestations et contre-manifestations. Le climat est tendu.

(Syfia Mali)

Retour en Côte d’Ivoire. Jeudi 29 mars, l’avion de la délégation de chefs d’Etat de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ne s’est finalement pas posé à Bamako, en raison de plusieurs dizaines de supporters de la junte à l’aéroport de la capitale malienne. Le même jour, des jeunes, eux aussi acquis à la cause des militaires, ont échangé des jets de pierre contre un sit-in du front anti-putsch à la Bourse du travail.

ATT : Photo : Pietro Naj-Oleari, European Parliament, Flickr

Depuis le coup d’Etat des militaires le 22 mars et les vols et pillages qui ont fait 3 morts et 40 blessés selon la Croix Rouge locale, les Maliens sont divisés.

Mercredi 28 mars, on pouvait entendre une foule de manifestants crier en chœur à Bamako : « A bas la France ! A bas la Cédéao ! Vive l’armée malienne ! » Ces manifestants voient dans ce putsch « une révolution sociale ».

« ATT (surnom du président Amadou Toumani Touré, réélu en 2007 et qui s’était engagé à quitter le pouvoir lors des élections prévues en juin prochain, Ndlr) et ses complices ont volé l’argent du pays pour construire des villas, tandis que les militaires mouraient au nord, faute de moyens. Ni la Cédéao, ni la France, ni l’Union africaine n’ont agi pour aider le Mali à faire face à l’insécurité au nord du pays. Maintenant que l’armée a pris ses responsabilités pour chasser les ennemis du peuple, ils veulent intervenir pour les ramener au pouvoir ! », fulminait Djénéba Kané, transpirant sous la forte chaleur régnant à la place de l’indépendance où s’étaient regroupés les marcheurs.

Société civile partagée

Depuis 20 ans, le Mali faisait figure d’exemple en matière d’élections démocratiques. Mais, l’éclatement d’une rébellion touarègue en janvier dernier – rébellion qui a attaqué la ville de Kidal au nord-est du pays jeudi 29 mars -, associé à un malaise social grandissant, ont profondément entaché la popularité du président depuis le début de l’année.

« Ce coup d’Etat a tardé à venir ; le peuple le réclamait depuis longtemps », indique en colère Mohamed Berthé, trésorier de la Coordination des partants volontaires à la retraite « Il n’y avait pas de démocratie au Mali. Pour gagner un procès, il fallait être d’un rang social élevé ou être riche », ajoute-t-il.

Les putschistes, qui ont formé le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), sont soutenus par plusieurs organisations de la société civile qui ne veulent pas du retour de l’ancien président. Mais, seul un parti politique, la SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance) a adopté la même position. Le Mouvement populaire du 22 mars (MP22) que ce parti a créé au lendemain du coup d’Etat invite de nouveau la population à un meeting en fin de semaine (samedi 31 mars) au « Stade du 26 mars ».

Ville de Kidal au Mali, Photo : ju-yaovi

La junte a adopté une nouvelle Constitution et promis qu’aucun de ses membres ne participerait aux prochaines élections présidentielles et législatives, sans pour autant fixer une date précise pour ces scrutins.

Pas de quoi rassurer la quasi-totalité des formations politiques (38 partis), qui demandent le retour à l’ordre constitutionnel au sein du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FUDR), regroupant également une vingtaine d’associations.

Lundi 26 mars, une manifestation contre le coup d’Etat a ainsi réuni un millier de personnes à Bamako. Le lendemain, le FUDR a présenté un plan visant à « restaurer l’ordre constitutionnel et à ramener les militaires dans leurs casernes ».

Ce plan prévoit la désobéissance civile et la grève générale pour faire plier la junte qui a relâché le même jour de nombreuses personnalités emprisonnées.

Quant au président ATT, en sécurité quelque part à Bamako, il a déclaré sur les antenne de RFI être favorable au plan de sortie de crise proposé par la Cédéao prévoyant une transition dirigée par le président de l’Assemblée nationale.

Isolement international

De retour à Abidjan, les chefs d’Etats ouest africains qui devaient venir à Bamako, ont durci le ton et donné 72 heures à la junte pour quitter le pouvoir faute de quoi le pays s’exposera à des sanctions diplomatiques et économiques. Le coup d’Etat a été unanimement condamné par la communauté internationale.

A l’exception de l’aide d’urgence aux régions touchées par la sécheresse et la pénurie alimentaire, l’Union européenne, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont retiré leur aide au Mali, soit des centaines de millions de dollars.
Un isolement qui, s’il devait durer, serait catastrophique pour ce pays classé par le Programme des Nations unies pour le développement dans son Rapport 2011 sur le développement humain 175è sur 187…

Par Soumaila T. Diarra

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