Katanga : les grands-parents font l’éducation sexuelle des jeunes

Au Katanga, sud-est de la RDC, les enfants parlent plus facilement de sexualité avec leurs grands-parents qu’avec leurs parents. Sans blesser la pudeur, les anciens en profitent pour faire passer à leurs petits fils des leçons d’éducation à la vie que l’école complète.

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Le jeune Ernest n’a que 13 ans. Il est en deuxième année des humanités. Depuis l’arrivée chez eux fin mars de Nkambo Ambroise et Nkambo Anne, ses grands-parents en provenance de Kipushi, 30 km à l’ouest de Lubumbashi, il a sensiblement réduit ses sorties.

Après l’école, il partage le plus clair de son temps en famille aux côtés de ses deux grands-parents. Il est souvent rejoint par ses amis qui viennent eux aussi écouter et discuter avec ces vieillards qui parlent de tout, répondent à toutes les questions, et finalement sont considérés comme des amis.

« Ernest est permanent à la maison ces derniers jours. Il aime suivre les historiettes que lui racontent ses grands-parents et il leur pose des tas de questions qu’il n’ose pas nous poser à nous », reconnaît sa mère. Nkambo Ambroise, le grand père, trouve le jeune Ernest curieux et ouvert. « Avec ses amis dit-il, ils ont toujours des questions à me poser. À quel âge je me suis marié ? Quel âge avait sa grand-mère à cette époque là ? Combien d’enfants nous avons mis au monde ? Y avait-il aussi des maladies qu’on voit ces jours… ? »

Ce qui est intéressant, poursuit-il, c’est que certains parlent sans retenue. Chacun me dit quand il compte se marier, quelle femme il aime, quel type d’amis il fréquente, quelle relation il entretient avec eux…Ce qui me permet de leur enseigner certaines choses de la vie, surtout concernant la sexualité, les infections sexuellement transmissibles parce que je sais qu’ils n’en parlent pas avec leurs parents.

Grands-parents et enseignants

Les rapports parents-enfants entourent dans bien des tribus du Katanga et de la RDC la sexualité de mythes et tabous au point que chacun des deux reste sur ses gardes.

Cette retenue vole cependant aux éclats quand l’enfant est en face de ses grands-parents.

Au Katanga, ceux-ci mettent à profit cette ouverture pour transmettre alors aux petits fils certains codes de la vie en matière de sexualité. Ils ne sont cependant pas seuls à jouer ce rôle, l’école aussi.

Professeur d’éducation à la vie dans une école secondaire de Lubumbashi, Louis Mulumba témoigne : « Lorsque l’heure de mon cours sonne, des élèves viennent d’eux-mêmes me chercher pour aller enseigner. Les jeunes gens sont très intéressés par les leçons qui sont prévues au programme de ce cours ». Sociologue et directeur des études au complexe scolaire la Rhétorique, Mathieu Lokela explique l’intérêt des jeunes au cours d’éducation à la vie par le vide laissé par la famille. « Arrivés à un certain âge, nos enfants ont soif de se découvrir.

Curieusement ils le font à travers la télé, d’autres dans la rue à partir des informations qu’ils partagent avec leurs amis. Chaque fois qu’ils sont en face de quelqu’un qui leur donne de bons enseignements en matière de sexe, ils sont prêts à le suivre parce que cela leur manque souvent en famille ».

Faire tomber les tabous

« Des nombreux parents partagent avec leurs enfants sur des choses qui ne sont pas aussi importantes que la sexualité. Pourtant, elle devait faire partie de l’éducation de base que nous recevons tous en famille », fait observer Rémy Ntenda, président des jeunes de l’Eglise du Christ au Congo, paroisse de Kampemba.

Faute de dialogue sur le sexe, suggère-t-il, les enfants devaient avoir des contacts permanents avec leurs grands-parents. Au moins avec eux, ils ont l’occasion de s’ouvrir et partager leurs problèmes au lieu d’être livrés à la rue.

Cependant Justine Leya, assistante sociale, estime que l’expérience des grands-parents peut s’avérer par moments inopportune vu que le monde d’aujourd’hui n’est pas celui d’il ya 30 ans. « Nous devrions être les premiers à donner à nos enfants l’éducation et l’information sexuelles dont ils ont besoin », recommande-t-elle aux parents.

Par Maurice Mulamba

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