Au Katanga, sud-est de la RDC, la pollution de l’environnement par des entreprises minières s’amplifie au grand dam des habitants. Trop puissantes et protégées pour être inquiétées, les plaintes des communautés locales et des Ong contre elles ne sont suivies d’aucun effet.
Syfia Grands Lacs
Les habitants de Kabetsha, un des quartiers de la commune de Kampemba, à l’est de Lubumbashi au sud-est de la RDC, n’ont pas de rapports faciles avec leur voisine, une entreprise minière implantée sur place.
Ils ne cessent de l’accuser de polluer l’air, la couche aquifère, la végétation… avec les acides qu’elle produit et la fumée qui sort de ses fours. « Plus d’une fois la délégation des notables du quartier a tenté en vain de rencontrer les responsables de cette entreprise », affirme, dépité, un habitant de Kabetsha. « Les habitants de ce quartier comme nos voisins de Tshamilemba, sont victimes des effets de son exploitation minière », poursuit-il.
En février dernier, un camion citerne de l’entreprise incriminée a même déversé de l’acide sulfurique dans les parcelles environnantes. Croyant avoir affaire à du gasoil, certains habitants du quartier ont afflué sur le liquide.
Quelques uns s’y sont trempés et en sont sortis avec des brûlures. Saisie du dossier, la mairie de Lubumbashi a ordonné de verser de la chaux sur les lieux acidifiés. « Notre rôle est de protéger cette population », avait affirmé à l’occasion le maire, sans plus.
Le Réseau des ressources naturelles, qui a jugé cette situation très délicate, a résolu de déposer une plainte au Tribunal de grande instance de Lubumbashi contre l’entreprise pollueuse. « Tout citoyen a le droit de vivre dans un environnement sain et de le défendre », a fait savoir Sabin Mande, coordonnateur provincial du réseau.
Des plaintes sans effet
Trente kilomètres plus à l’ouest de Lubumbashi, dans le territoire de Kipushi, les rivières Kafubu et Kipushi y compris la végétation sont fortement polluées. La société civile de la place et les propriétaires des fermes situées le long de ces rivières pointent du doigt deux entreprises minières qui y exercent leurs activités.
« Il y a une année, le conseil des ministres du gouvernement provincial du Katanga avait inscrit la question parmi les points à l’ordre du jour, affirme-t-il. Il a promis, au regard de la gravité de la situation, de faire venir sur place des spécialistes en toxico-environnementale et de sévèrement sanctionner ceux qui seront formellement reconnus comme auteurs de cette pollution. Mais rien n’est fait malgré les plaintes des habitants et les dénonciations des organisations de la société civile ».
Résigné, un fermier de Kipushi lâche : « Il y a des acteurs politiques congolais qui ont leurs actions dans toutes ces entreprises. Et comme les loups ne se mangent pas entre eux, nos plaintes ne changent rien ».
Trop d’intérêts en jeu
Les nombreux intérêts en jeu empêchent de coordonner les actions à mener contre les pollueurs. Pendant que certains activistes dénoncent le silence des autorités et l’insensibilité des miniers face à la pollution, d’autres accusent leurs pairs de faire de leurs dénonciations un fond de commerce. Ce qui, pense Sabin Mande ne permet pas à de nombreux procès d’aboutir. « Nous mangeons dans les mêmes entreprises », lance un des responsables de la société civile de Kipushi, visiblement pas sûr de l’aboutissement d’un procès au Tribunal de grande instance contre des miniers pollueurs.
Mais le coordonnateur provincial du Réseau des ressources naturelles se veut, lui, rassurant. Son organisation a trois dossiers en justice contre des miniers. L’un au Tribunal de grande instance de Kipushi où, « pour pollution des eaux, de terre et de l’air, deux entreprises minières sont mises en cause, l’Etat congolais aussi ». L’autre, au Tribunal de grande instance de Lubumbashi « pour pollution avec de l’acide sulfurique » ; et le dernier devant la Cour suprême de justice où, fait savoir Sabin Mande, le Réseau des ressources naturelles « sollicite l’annulation des titres qui donnent à certains miniers le droit de mener leurs activités dans des aires protégées ».
Chargée de programmes d’Initiatives communautaires pour le bien être social, Mme Flavie Kanteng, en appelle à l’application stricte de l’article 204 du Code minier congolais qui veut que tout exploitant minier soit tenu de présenter une étude d’impact environnemental et un plan de gestion de l’environnement concernant son projet. C’est dans cette étude que sont expliquées les mesures envisagées pour la protection de l’environnement, l’élimination ou la limitation de la pollution et la reconstitution des sites. « Il suffit, dit-elle, que l’Etat veille à ce que les dispositions de ce code s’appliquent à tous sans exception et la solution sera trouvée. »
Par Maurice Mulamba