Le Rwanda a célèbré le 1er juillet, dans la discrétion, le cinquantième anniversaire de son indépendance. Les régimes qui se sont succédé à la tête du pays ont préféré, pour célébrer la fête nationale, la date de leur prise de pouvoir à celle qui rappelle la colonisation.
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Pas de nouveau monument ou nouvelle route dédiés au 50e anniversaire de l’indépendance du Rwanda le 1er juillet 2012. La célébration de ce jubilé d’or ne se fera pas en grande pompe.
Dans son entretien avec Jeune Afrique en mai dernier, le président rwandais Paul Kagame a expliqué : « Ce sera une journée de réflexion, pas une occasion de festivités ou de dépenses publiques incontrôlées ». D’après le ministère de l’Administration locale, « le cinquantenaire sera fusionné avec l’autre fête du 4 juillet qui marque l’anniversaire de la libération du Rwanda des forces génocidaires ».
Cette année, les deux événements seront commémorés le 1er juillet, avec sobriété. Mais la grande fête nationale, depuis 18 ans, est le 4 juillet. Cette date bien ancrée dans la mémoire des habitants du Rwanda est fêtée d’habitude dans tous les coins du pays. Les bus embarquent des villageois des différentes régions au stade national, les réceptions conviviales sont organisées dans les villages (imidugudu). On danse et on boit.
Pour cet anniversaire de l’indépendance, les Rwandais et les étrangers amis du Rwanda se contentent, en guise de préparation, des conférences-débats organisées au niveau des villages sur les circonstances qui entourent la marche vers l’indépendance.
Un politologue de Kigali qualifie ce cinquantenaire de « presqu’un non-événement, car tous les Rwandais n’en partagent pas la même conception ». La fête nationale aura lieu à Kigali au stade Amahoro.
A chaque régime, son indépendance
La date de la prise du pouvoir a toujours primé sur celle de l’indépendance. Avant le génocide, et durant 19 ans, le régime accordait une très grande importance au 5 juillet, jour de la prise du pouvoir par un coup d’État militaire. Seul le premier gouvernement indépendant était attaché au 1er juillet qui lui avait permis d’accéder aux commandes du pays. « Heureusement que tout se passe en juillet ! », ironise un historien de Kigali.
Pour Pierre Karyabwite, 75 ans, « l’aspect positif de l’indépendance des Rwandais c’est que chaque citoyen se sent responsable, qu’il a compris que ce qu’il fait est pour lui et son pays ». Le professeur Anastase Shyaka affirme que le Rwanda a reçu la moitié de l’indépendance. Pour lui, « le 1er juillet 1962 n’est pas vraiment un jour de l’indépendance. Il ne fut pas un jour de joie pour tous les Rwandais, plutôt celui du passage de la tyrannie coloniale belge à un régime ethnocentriste, qui débouchera sur le génocide de 1994 ».
D’après A. Shyaka, pour se démarquer de ses prédécesseurs, le pouvoir en place au Rwanda met de l’avant la bonne gouvernance : « Chaque citoyen se sent indépendant quand il joue son rôle dans l’administration de son pays ». Pour lui, cela constitue une priorité du gouvernement actuel. Un politicien qui a participé à tous ces régimes partage l’avis que « les progrès économiques et sociaux du pays sont aujourd’hui incontestables.
Mais il estime que « le partage du pouvoir reste une source de conflits qui handicape l’indépendance de tout citoyen. La marche du peuple rwandais vers l’indépendance consistait à installer dans le pays les valeurs démocratiques, mais 50 ans après, le chemin à parcourir demeure très long ».
Une dent contre le colonisateur
Pendant 40 ans sous la tutelle belge, le Rwanda fête le cinquantenaire de son indépendance en l’absence de son ancien maître et l’un de ses grands bailleurs de fonds actuels. Le Rwanda n’a pas invité les autorités belges. « C’est leur choix et nous le respectons », s’est contenté de dire un responsable belge. Tous les chefs d’État des pays de l’Afrique de l’Est ont été conviés aux célébrations. « L’héritage des colonisateurs ne donne aucune fierté aux Rwandais », remarque un agent du ministère de l’Administration locale, chargé d’organiser des débats pour évaluer les acquis de l’indépendance.
Pour lui, tout ce qui symbolise la colonisation devrait être détruit pour effacer de mauvais souvenirs. D’ailleurs, le drapeau, l’hymne national et autres symboles de la République ainsi que les noms des rues et avenues mis en place lors de l’indépendance ont été changés.
Par Albert-Baudoin Twizeyimana