Très rares sont les femmes qui tirent profit des mines dans les Grands Lacs, bloquées par des croyances occultes et parfois les lois. La Zambie, où elles ont réussi à s’imposer, fait figure d’exception. L’harmonisation des législations sur ce secteur était au cœur d’un récent atelier à Kampala, organisé par le Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.
« Marginalisée par la culture, la femme occupe une position de second rang dans le secteur minier dominé à 95% par les hommes dans la région des Grands Lacs », indique Zacharie Nzeyimana, chercheur au GLIA (Great Lakes Initiative on AIDS).
C’était lors d’un atelier sur l’harmonisation des lois en lien avec l’Initiative régionale sur les ressources naturelles (IRRN) organisé par la CIRGL (Conférence internationale pour la région des Grands Lacs) fin juin à Kampala en Ouganda.
Des experts juristes des onze pays membres de l’IRRN ont planché pour voir comment réviser les législations minières nationales afin que les sites miniers puissent profiter à la population et aux femmes en particulier. En effet, selon une étude régionale, rendue publique en février, ces dernières ne bénéficient pas des ressources provenant des minerais ou pierres précieuses.
Ignorantes des lois
Elles y sont le plus souvent exploitées. En Tanzanie, par exemple, les femmes qui travaillent dans le secteur des mines vivent dans des conditions misérables. Elles sont soumises à de longues heures de travail avec des salaires dérisoires. De plus, elles subissent des menaces et intimidations.
Shamsa Diwani, secrétaire générale de TAWOMA (Tanzania Women Miners Association), affirme qu’en 2010, le parlement tanzanien a voté une loi qui permet aux femmes de participer pleinement aux activités minières, ce qu’elles ne pouvaient pas faire jusque-là. Mais celles-ci ignorent cette loi ce qui rend difficile sa mise en œuvre. Elle témoigne également que « le manque d’intérêt envers le secteur est principalement dû au fait que les hommes sont convaincus que la présence des femmes dans les mines limite la rentabilité lorsqu’elles sont, par exemple, en période de menstruation. »
Selon Zacharie N. cette superstition se retrouve également dans les mines artisanales de coltan en Ouganda où on compte seulement 5% de femmes sur 180 000 employés. Elles se limitent à de petits travaux tels que le nettoyage, le lavage des pierres précieuses, la cuisine, le secrétariat et d’autres activités non techniques et non rémunératrices.
En RD Congo où les mines sont les plus nombreuses, souvent contrôlées par les groupes armés et sources d’insécurité, la situation est plus complexe. « Il va falloir prendre le taureau par les cornes dans ce pays, selon Silas N., chargé du programme démocratie et bonne gouvernance au secrétariat de la CIRGL. Le processus d’intégration des femmes dans le secteur des mines prendra du temps pour certains pays et sera différent d’un pays à l’autre. »
Fortes femmes zambiennes
Cependant les femmes elles-mêmes ont un rôle à jouer pour changer la donne. « Il faut prouver que vous êtes en mesure de faire ce que vous sollicitez », martèle Pauline Sialumba Mundia, représentante d’une association de femmes zambiennes (Zambia Small Scale Mining Association), devant un parterre de femmes qui participaient à l’atelier de Kampala.
Elle affirme souriante et fière qu’à Lumwana en Zambie, les femmes sont qualifiées : « Ce sont des dockers dans les mines de manganèse ». Elles sont très impliquées dans le secteur à tel point qu’elles sont devenues propriétaires d’entreprises minières et contribuent fortement à l’économie zambienne ces cinq dernières années avec un chiffre d’affaires global de près de 35 millions de dollars par an. Une position qui leur permet, à travers leur association faitière, de négocier aisément avec le gouvernement. Cette réussite vient du fait que l’exploitation des mines artisanales est légalisée et que les femmes possèdent des permis d’exploitation minière.
Selon elle toujours, les mines de Luapula où sont exploités plusieurs minerais à petite échelle emploient à elles seules une main-d’œuvre de plus de 5000 personnes dont la majorité est féminine. Ces femmes sont parvenues à implanter des hôpitaux modernes aux alentours des sites miniers, des écoles dans les zones rurales, etc.
Ce qui freine encore l’évolution des femmes dans ce secteur, c’est l’habitude de toujours demander l’aval du mari pour se lancer dans de telles activités, une permission qui est souvent refusée.
Les mines, foyer du Sida
« Dans le secteur des mines, la séroprévalence au VIH/SIDA est de plus de 10% et va jusqu’à 20% chez les cadres miniers des sites-échantillons de cinq pays de la région des Grands Lacs. » Des chiffres accablants livrés par Zacharie N. Ce dernier explique que les extracteurs de mines d’or au Burundi par exemple, dans les localités de Butihinda (Nord Est) et Mabayi (Nord Ouest) ont un revenu hebdomadaire de 100 000 Fbu (70 $).
En fin de semaine, raconte-t-il, ils ne rentrent pas dans leurs familles. Ils préfèrent se libérer et aller dans les centres urbains les plus proches (Kobero et Rugombo) où ils épousent de nouvelles femmes. Forts de leurs recettes financières, ils se comportent comme de petits princes et les jeunes filles, alléchées par la richesse apparente, se prostituent volontiers.
En RD Congo voisin, après une étude socio-comportementale dans le secteur des mines et des pêcheurs, le gouvernement a pris la décision d’embaucher des médecins au ministère des Mines, chargés spécifiquement de la santé du personnel minier, tellement la situation était alarmante. Et la recette semble produire des effets car, le taux de séroprévalence au VIH/Sida est passé de 5,8% en 2009 à 3,3% en 2011 dans les mines de RD Congo selon une nouvelle étude de GLIA (Great Lakes Initiative on AIDS).
Emmanuel Ngendanzi