RDC : trop d’universités et de diplômés désœuvrés à Rutshuru

A Rutshuru, au Nord-Kivu, la plupart des diplômés ne trouvent pas d’emploi à leur sortie de l’université. Faute de mieux, certains se lancent dans l’enseignement. Entretenant ainsi un cercle vicieux.

Baziruwiha Twizere, un jeune diplômé, se lamente de ne pas avoir été retenu début juillet à un test de recrutement de la Mutuelle d’épargne et de crédit de Rutshuru (Nord-Kivu). Gradué en sciences économiques et de gestion, il dit n’avoir jamais eu la chance de trouver un emploi en rapport avec ses études.

« Nous étions 41 candidats gradués et licenciés. Seuls 11 ont été retenus, car ils ont plus d’expérience. Moi, je sors de l’école et j’ai comme l’impression que les enseignements dispensés n’ont rien à voir avec la vie professionnelle », regrette-t-il. Il n’est pas le seul.

Bahati Bandusha, gradué en relations internationales, a dû se convertir dans le commerce. Il a abandonné toute démarche pour trouver un emploi qui lui convienne. « Dans le commerce, c’est là qu’il y a la vie… Avec les relations internationales que j’ai étudiées à l’université, j’ai longtemps cherché un boulot, sans succès. Je perdais mon temps à consulter les offres placardées devant les portes de certaines ONG. Bien souvent, il y a un candidat présélectionné pour son expérience », juge-t-il.

Ces dernières années, encouragés par les candidats aux élections (de 2006 et 2011) qui cherchaient notamment des créneaux pour se faire entendre, les universités et instituts supérieurs ont proliféré dans le territoire de Rutshuru. De nombreux jeunes ne semblent y rechercher que le diplôme, sans se préoccuper du niveau de l’enseignement dispensé. Ils en pâtissent : ne trouvant pas d’emploi à la hauteur de leurs espérances, ils ont du mal à développer leur vie professionnelle. « Un de mes frères est licencié en relations internationales. Déçu de ne pas trouver de boulot, il passe son temps dans les bars. La boisson est sa principale préoccupation », témoigne T. K., la sœur de cet ancien étudiant.

Donner cours sans expérience

D’autres ont décidé à leur tour d’enseigner. Pas par goût, mais parce que, comble de l’ironie, les universités sont les seuls endroits où ils peuvent exercer un métier lié à leurs études.

« Comme je n’ai pas la chance d’avoir été embauché dans un service correspondant à mes études, j’ai voulu donner cours dans une des institutions nouvellement créées. J’enseigne dans presque six institutions supérieures et universités de Rutshuru. Je gagne un peu d’argent pour survivre avec ça », relate S. B., licencié en sciences politiques et administratives.

Problème : la plupart de ces jeunes professeurs dépités n’ont pas le niveau pour enseigner. « Seuls des jeunes inexpérimentés viennent donner cours dans des auditoires ici au village, regrette un responsable de l’enseignement supérieur et universitaire de Rutshuru. Ils ne cherchent que quelque argent à gagner et sont aisément corruptibles. Cela fait baisser le niveau de l’enseignement et les diplômés terminent leurs études sans avoir acquis les compétences supposées. »

Pour peut-être venir très vite grossir les rangs de ces institutions superflues… Lors de la récente campagne électorale de 2011, des dizaines d’institutions dites supérieures et universitaires ont vu le jour. En fait, « la plupart ne sont pas viables : pas de bâtiments propres, pas de bibliothèque, pas de personnel qualifié. Elles ont été créées dans presque chaque village du territoire de Rutshuru par le ministre sortant de l’Enseignement supérieur et universitaire », explique un responsable d’université.

Par Evariste Mahamba

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