Présenté au Festival des Films du monde de Montréal, le documentaire Ici on noie les Algériens de Yasmina Adi revient sur un épisode sanglant qui a eu lieu à Paris, le 17 octobre 1961. Plus de 20 000 « Nord-Africains », majoritairement des Algériens, qui manifestent pour une Algérie algérienne sont réduits au silence total par les autorités. Les faits bien que graves ne sont que très peu médiatisés.
Le film commence par des images d’une dame, Hadda Khalfi, décrivant la période qui a suivi son 17 octobre 1961, la privant de son mari, et ses 4 enfants, d’un père. « Ils ont grandi sans jamais connaître le mot papa », explique-t-elle à bord d’une voiture, longeant le cours d’eau qui lui a pourri la vie.
Dans son documentaire Yasmina laisse parler Français et Algériens. Chacun raconte sa vérité. La même. Les témoignages de plusieurs d’entre eux demeurent encore frais dans leur tête. Pour certains, c’est peut-être la première fois qu’ils le font.
Autant ceux qui ont souffert dans leur chair que les acteurs passifs racontent en détail et avec précision le fil de la soirée et des jours sombres qui ont suivi. Les scènes sont filmés plus souvent qu’autrement dans nuit et non loin des endroits où ils ont vécu il y a 50 ans ce drame. Si les récits des hommes sont souvent durs, ceux des femmes (épouses et mères) sont poignants et déchirants.
Des photos et des bandes sonores inédites de l’époque, notamment, ceux des Renseignements généraux ou de la police illustrent la situation et l’ambiance qui prévalaient à l’époque. Les journalistes ne sont pas en reste. Images d’Archives, coupures de presse, extrait de journaux de l’époque accompagnent le récit.
Pendant près de 90 minutes, la cinéaste égrène les preuves. Elles sont accablantes. Ce véritable travail de recherche, d’enquête sérieuse et appliquée laisse pantois. En outre, il permet à plusieurs familles et la génération à venir d’en apprendre plus sur cette histoire. D’autant que pour l’instant, aucun gouvernement français, de droite comme de gauche n’a remis en question cette répression.
Comment comprendre qu’autant hommes venus manifester librement se retrouvent entassés dans des dizaines d’autobus et de « paniers à la salade » et sont parqués dans des prisons.
Autre constat, il y a 50 ans, la rhétorique propagandiste antialgérienne/musulmane/terroriste était déjà présente. Les techniques aussi, comme en témoignent notamment les images de milliers de personnes qui sont entassées dans un avion pour être « déporté » en Algérie. « Assurer l’ordre public », expliquait le ministre de l’Intérieur de l’époque. Les débats sur l’immigration et l’identité de ces dernières années en Hexagone.
Devenu assistante de réalisation en 1997, après avoir été attachée de presse, Yasmina Adi se concentre maintenant au documentaire. L’autre 8 mai 1945 – Aux origines de la guerre d’Algérie, son premier film, a été sélectionné et primé dans de nombreux festivals. Avec Ici on noie les algériens, elle signe son premier long métrage documentaire.
Pour en savoir plus :
– L’entrevue de Touki Montréal avec Yasmina Adi (À venir)
– La bande annonce du film