Ablaye Cissoko, le grand griot mandingue est l’invité de l’ensemble Constantinople à Montréal. Ensemble, ils vont donner une série de trois concerts, les Jardins Migrateurs, durant lesquels ils représenteront leur création. Touki Montréal est allé les rencontrer.
Quelle fut l’origine du projet ?
Kiya Tabassian (directeur artistique de l’ensemble Constantinople, joueur de setar) : Je voulais travailler depuis plusieurs années avec un musicien mandingue joueur de kora. J’avais entendu cette musique et j’entendais beaucoup de liens avec la mienne. J’ai cherché quelques années, et quand j’ai entendu Ablaye ça a été une révélation, je me suis dit : « je veux travailler avec ce musicien » alors on l’a contacté et le voilà.
Ablaye Cissoko : c’est un peu curieux, l’histoire est identique de mon côté, moi aussi j’ai toujours voulu jouer avec un joueur de Sétar (NDLR : originaire de Perse – rien à voir avec le cithare indien). Il m’a invité, je suis venu. On a commencé à travailler, je suis fasciné.
Ablaye Cissoko, être griot aujourd’hui, qu’est ce que cela signifie ?
Le griot est incontournable en Afrique de l’Ouest. On ne devient pas griot, on est griot, on est né griot. C’est un grand privilège et c’est aussi très difficile, on est censé représenter notre passé et on doit vivre dans notre époque qui est ce monde qui va très vite. Tout ce que je sais faire c’est de jouer et de chanter, je vais jouer mon histoire, je vais chanter ma culture, c’est dans l’ordre normal des choses.
Je suis dépositaire, j’ai eu cet héritage. J’en suis fier, mais j’ai aussi un petit peu peur, parce qu’il faut que la transmission se fasse et, malheureusement, il y a aujourd’hui plus de crieur que de griot.
Quand je joue, je ne me modernise jamais. Si nous les griots on est censé préserver un patrimoine et qu’on le change, à la longue il va disparaître, il faut qu’il y ait des gardiens du temple. Si mes frères transforment l’instrument, c’est bien, mais il faut quelqu’un qui fasse comme je fais, pour que la tradition reste.
Votre projet s’appelle « Jardins migrateurs », ce titre fait appel à l’imaginaire, que va t’il naître sur scène ?
KT : Je pense qu’on va essayer d’amener sur scène un concert intègre, dans lequel chacun préservera son identité, mais où un dialogue créera une chose unique. Nous serons là, avec nos racines, notre mémoire, puis il faudra dépasser cela, aller vers l’autre. C’est ça l’idée des jardins migrateurs : il y a d’abord la racine puis la fleur pousse et va où elle veut. Les différents jardins voyagent, se parlent, se fréquentent et migrent parfois l’un vers l’autre.
AC : Le concert sera un carrefour et nous viendrons tous de différents horizons. Nous avons tous quelque chose à y emmener, et c’est ce qui nous différencie, mais c’est aussi ce qui nous lie. On arrive on met un bol de riz devant tout le monde, on ne sait pas qui vient d’où, mais on est là pour partager ce bon riz.
Pour en savoir plus :
- Ensemble Constantinople : https://www.constantinople.ca/fr/ensemble.html
- Ablaye Cissoko : https://www.myspace.com/ablayecissoko
- Le concert « Jardins Migrateurs » aura lieu vendredi 21 septembre au centre Pierre-Péladeau