Rwanda : les ex-détenus infligent à leurs femmes leurs pratiques sexuelles

Certains détenus, qui ont eu des relations homosexuelles en prison, une fois libérés ne changent pas leurs pratiques sexuelles avec leurs femmes. Celles-ci mal à l’aise et frustrées ont bien du mal à parler de ces violences peu connues.

Syfia International

Très rares sont les femmes rwandaises qui osent dénoncer cette forme de violence dont certaines sont victimes ces dernières années. « Pour s’en rendre compte, il faut une intimité avec la victime qui, souvent, se sent débordée par cette situation étrange?, fait remarquer Jules Gahamanyi d’ARAMA, (Association de recherche et d’appui aux mouvements associatifs), qui œuvre à l’est du Rwanda. « 

Plus d’une femme sont venues exposer devant nous des problèmes de frustration conjugale liés aux pénétrations anales qu’elles sont contraintes de subir?, poursuit-il. Ces femmes qui évoquent ces problèmes délicats sont celles dont les maris sont sortis récemment de prison.

« Dans une réunion avec le Conseil national des femmes à Muhanga au sud, les femmes ont insisté sur l’état malheureux de celles qui vivent cette situation et qui n’osent pas poser de questions car elles ne savent pas à qui en parler », dit Édouard Munyamariza, secrétaire de RWAMREC, une organisation d’hommes luttant contre la violence domestique au Rwanda. La loi portant prévention et répression de toute forme de violence basée sur le genre (VBG) punit les pénétrations anales non consenties entre conjoints comme un crime. Mais, vu le caractère intime des relations conjugales, cette violence est rarement dénoncée. Entre elles, les femmes appellent ces pratiques : pointer la tête dans l’ingata (un support traditionnel fait en herbe et en forme de cercle qu’on interpose entre la tête et le fardeau pour protéger la tête).

Une pratique courante en prison

Dans les prisons aussi les mots fleurissent pour parler des relations homosexuelles qui sont courantes. « Tu ne peux pas t’en rendre compte si tu ne connais pas la signification », témoigne un des responsables d’une prison au Rwanda. Selon un ancien prisonnier de Kimironko à Kigali, les victimes des pratiques homosexuelles dans les prisons sont souvent de jeunes garçons indigents. Lorsqu’ils sont emprisonnés ils sont accueillis par des hommes riches qui ont une « vie aisée » et qui les prennent en charge, faisant d’eux des amis intimes et finissant par en abuser. « Bien que ce ne soit pas autorisé ça se fait. Des fois les comités de discipline dans les prisons enferment les coupables dans de petits cachots situés à l’intérieur de la grande prison. Chaque matin ils défilent alors devant les prisonniers, sonnettes aux corps. Ceci permet alors à tout prisonnier de les connaître et de les éviter », témoigne toujours cet ancien détenu. Les sanctions ne vont pas plus loin car, au Rwanda, depuis le vote du nouveau Code pénal en 2009, le l’homosexualité n’est plus criminalisée. H. Twagirayezu, un autre ancien prisonnier de la prison de Cyangugu assure que cette pratique découle souvent « de la délinquance de certains prévenus condamnés à perpétuité ou de la pauvreté due au manque d’assistance financière de certains ». ?Il y a ceux qui sont emprisonnés parce qu’ils ont violé les femmes, qu’ils ont utilisé le viol comme arme pendant le génocide qui sont condamnés à de longues peines pour d’autres crimes. Ils ne voient pas leur retour immédiat à l’extérieur et préfèrent satisfaire leur plaisir en pratiquant l’homosexualité », renchérit un psychologue. Ces pratiques faites sans protection sont ainsi souvent causes de maladies infectieuses ou au le VIH/Sida… Près de 56 000 prisonniers sont dans les prisons rwandaises selon le ministère de la Sécurité intérieure.

Dilemme pour les femmes

Par Les hommes habitués à ce type de relations sexuelles ne changent pas sitôt sortis de prison : « Une femme de 53 ans a ainsi témoigné qu’elle en avait marre de son mari qui l’obligeait à cette pratique qu’elle n’avait jamais vécue », se rappelle attristé Édouard. Face à cette situation, les femmes ne savent pas quoi faire. Certains hommes refusent de venir faire le counselling, d’autre part les femmes refusent de porter plainte pour ne pas les voir retourner à la prison et refaire le chemin des visites et approvisionnements qui coûtent cher et appauvrissent les foyers. Ceux qui acceptent d’être approchés comme certains de l’est du pays surmontent la crise et reviennent à des relations conjugales normales affirme Jules Gahamanyi. Là où ce mode de relations sexuelles persiste, les conséquences pour la femme peuvent être graves : « Des fois les sphincters de l’anus peuvent se décontracter provoquant ainsi un manque de contrôle des selles. Imaginez alors les femmes rurales sans couches ou autres linges hygiéniques et cela pour le seul plaisir de l’homme ! », dit un médecin. Pour éviter ces problèmes dans les foyers, certains activistes des droits de l’homme plaident pour une aide à la réinsertion sociale des prisonniers. Quand ils sortent après plusieurs années de détention, certains se voient dépassés par le monde extérieur et ont du mal à se débarrasser des habitudes prises en prison.

Par Fulgence Niyonagize

Photo : flickr

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