De nombreux ex-combattants vivent désormais de leurs nouveaux métiers à la périphérie de Kinshasa. Un retour à la vie civile, et une réinsertion économique et sociale réussis pour nombre d’entre eux. L’armée, un bien lointain souvenir…
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« Quel que soit le grade que l’on peut me proposer aujourd’hui pour réintégrer l’armée, jamais je n’accepterai d’y retourner », jure, ferme, l’ex sous-lieutenant de police, Floribert Kayinduka, démobilisé après 18 ans de service militaire. Kayinduka qui a bénéficié de l’appui du Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR), a appris un nouveau métier, la menuiserie, qui le fait vivre lui et sa nombreuse famille de 12 enfants.
Dans son atelier de Mikonga, MeubleMik, à la périphérie de la capitale congolaise, il ne cache pas son bonheur en dépit de quelques difficultés liées à la conjoncture générale. « Je vis actuellement mieux que quand j’étais dans l’armée. Je vivais dans un studio, aujourd’hui je loue une maison de 2 chambres plus salon. J’arrive à payer les frais scolaires pour mes enfants. J’ai de quoi prendre ma bière chaque jour si je le désire… »
En fait Floribert est le président de MeubleMik (Meuble de Mikonga), un atelier de menuiserie qu’il a monté à sa sortie de formation en 2010. Cet atelier emploie à ce jour 16 personnes dont la moitié constituée d’ex-combattants. « Ici nous fabriquons tout ce que le bois nous permet de faire « . Et quand il vous ouvre la porte de leur entrepôt, vous êtes simplement admiratif de ce qu’ils peuvent produire : meubles, armoires, lits, portes etc.
Retourner à l’école ou travailler
Comme Floribert Kayinduka, une centaine d’autres démobilisés retournés à la vie civile ont trouvé un moyen de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles en banlieue kinoise. Kanyinduka raconte que lui et ses camarades avaient plusieurs options lorsqu’il fallait choisir une filière pour se réintégrer dans leurs communautés respectives.
« Certains enfants sortis des forces et groupes armés, qui n’avaient pas fini leur éducation, avaient eux choisi de retourner aux études », explique-t-il. D’autres avaient vite besoin de gagner de l’argent pour se prendre en charge ainsi que leurs dépendants. Ceux-là ont donc reçu une aide pour mettre en place des activités dont le petit commerce de produits de première nécessité. »
D’autres enfin, comme nous, plus nombreux, avions préféré apprendre un métier : agriculteur, éleveur, menuisier, boulanger, etc. » Dans le groupe, il y a des gars qui ont réussi leur reconversion. Floribert cite de mémoire un de ses camarades de fortune, Fabrice, qui avait choisi le petit commerce et qui vit actuellement avec sa famille dans la maison achetée avec le fond de son activité.
L’Université pédagogique nationale, a confié à la « Persévérance, l’atelier d’ajustage monté par d’ex-combattants de la promotion de Floribert, la fabrication d’au moins 100 portes, témoigne Mme Esther, responsable de l’unité d’exécution du PNDDR à Kinshasa et Bas-Congo. Ce programme, renseigne-t-elle, a permis en sept ans, la réintégration de 90 000 ex-soldats sur 110 000 combattants désarmés et démobilisés.
Charpentier après les armes
La foire-exposition organisée l’an dernier à l’Académie des beaux arts de Kinshasa, avait permis de voir ce que les ex-combattants sont capables de faire. « Cette foire a été une fenêtre sur la situation actuelle des démobilisés », a expliqué Grevisse Ditend, administrateur de l’UEPNDDR.
« Nous voulions montrer au pays et à tous les partenaires internationaux ce qui a été accompli. Nous avions voulu que les ex-combattants ne soient plus appelés démobilisés en référence à leur passé, mais qu’ils soient reconnus comme des producteurs ayant leur place au sein de la société congolaise, comme tout autre citoyen », a-t-il ajouté. « Dans ma famille, je suis désormais quelqu’un qui compte », confie Floribert. « Mon rêve, c’est de construire au moins trois pompes funèbres pour aider les familles éplorées. »
Par Didier Kebongo
Photo : Flickr