Ce succès, le Bas-Congo le doit à la conjugaison des efforts du gouvernement provincial et des partenaires éducatifs qui ont œuvré ensemble pour faire passer la région de bon dernier à premier en cinq ans.
Le Bas-Congo est en tête des statistiques du ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP) à la dernière édition des examens d’Etat (2011-2012) ! Il a obtenu 70% de réussite devant les provinces du Katanga, Sud-Kivu, Kinshasa, Maniema… « C’est une performance qui est un motif de fierté pour la province », se réjouit Lambert Mbadu, le Proved du Bas-Congo (Inspecteur provincial à l’éducation).
Il y a cinq ans, la province était classée avant dernière avec 17%. « C’était la pire des années pendant lesquelles des escrocs, s’appuyant sur la naïveté des enfants, leur faisaient miroiter des fuites d’examens qui n’étaient jamais vraies », se souvient le Proved. Le manque de recyclage des enseignants, la désorientation des élèves allant vers de faux inspecteurs qui promettaient de leur faciliter la réussite, le foisonnement d’écoles privées de complaisance… en étaient les autres causes.
Autant de raisons qui ont fait perdre au Bas-Congo sa renommée d’antan de province pilote de l’enseignement primaire et secondaire. Ses écoles de renom comme Tumba, Mbanzamboma, les lycées Bakanzi et Lwuila, le collège Ntetembwa, le petit séminaire de Mbatakiela, la colonie scolaire de Boma…ont formé de nombreux cadres du pays. Des élèves venaient même de l’Angola, de la République du Congo voire du Gabon.
Conjugaison d’efforts
Face à cette décadence, le gouvernement provincial a lancé une réforme éducative en partenariat avec les parents et les autres intervenants de l’éducation. Il a ainsi doté les élèves de la 6ème année (terminale) de manuels scolaires, recyclé les enseignants, offert des motos aux inspecteurs pour leur bonne mobilité, réhabilité et construit des écoles dans chaque territoire.
Le système de maquis (qui consiste pour les élèves à s’enfermer par petits groupes pour officiellement préparer la veille les épreuves, Ndlr) et de « suivi » des résultats de l’examen d’Etat en se confiant à des inspecteurs escrocs – l’une des causes majeures de l’échec des élèves – a été combattu. « C’était la cause de mon échec, témoigne, Espérance Keto qui s’est présenté quatre fois sans succès aux examens d’Etat. Lorsque je l’ai comprise, je me suis mise au travail et les résultats sont là ».
Outre le gouvernement provincial, des associations se sont aussi investies pour sauver l’éducation. C’est le cas de la fondation locale « Kisalu me banda », qui a offert des livres et 500 dictionnaires français aux écoles de Matadi. Chaque année, elle organise aussi des cours d’options de rattrape et de dissertation gratuits aux finalistes.
Cette conjugaison d’efforts a permis d’améliorer progressivement les résultats. En 2008, les résultats sont montés à 35%, puis à 55,8% en 2009, 61% en 2010 et 67% en 2011. Noël Mbumba, président de l’association des parents des élèves de l’Institut Monseigneur Lubaki, pense que « la confiance retrouvée des élèves vis-à-vis des professeurs et leur prise de conscience ont été pour beaucoup dans cette embellie ».
Beaucoup restent encore à faire
Malgré ces succès, beaucoup reste encore à faire. Les enseignants ne gagnent qu’entre 50 $ et 60 $ par mois. Certains parmi eux restent impayés. Sur 35 784 enseignants que compte la province, plus de 6 000 ne touchent pas leurs salaire, parce qu’ils ne sont pas mécanisés. « Ce n’est pas normal car la fonction enseignante est absorbante et épuisante, rouspète Simon Nsilulu, porte-parole de la Synergie des syndicats des enseignants du Bas-Congo. Dans ces conditions, comment l’enseignant évitera-t-il des actes répréhensibles ? ».
Autre problème : le vieillissement du corps enseignant. Ils sont plus de 4 000 à avoir dépassé 45 ans de service, certains ont même atteint 68 ans au travail. « Dans les classes montantes, ils ont tendance à cultiver des relations grands-parents petits-fils et non plus enseignants-enseignés », regrette Nsilulu. « Il faut que le gouvernement mette un terme à la prise en charge des professeurs par les parents qui sont déjà pauvres, suggère-t-il. C’est ça le vrai goulot d’étranglement de l’enseignement ».
Par Alphonse Nekwa Makwala