Au Sud-Kivu, dans le territoire de Mwenga, de nombreuses femmes, contraintes de quitter leurs villages à cause de l’insécurité, se trouvent contraintes à faire des travaux de force dans les mines pour gagner tout juste de quoi manger. Un calvaire…
Syfia International
Mamans twangaises, bizalu, hilux, elles sont des centaines ces femmes qui s’épuisent sans relâche dans les sites miniers de Kamituga, en territoire de Mwenga, au Sud-Kivu à 180 km au sud-ouest de Bukavu. Les twangaises (de kutwanga, piler, en swahili) pilent, concassent et broient les pierres et le sable afin d’en retirer les matières précieuses : l’or, la cassitérite et le coltan. Ce travail s’effectue dans un lieu aménagé (loutra) soit par un PDG, propriétaire d’un puits, soit par le négociant, soit par un indépendant (loutrier) à proximité d’une rivière pour faciliter le nettoyage des pierres et sables extraits des puits.
Les mamans hilux, en référence à la jeep Toyota Hilux, elles, transportent les pierres de la mine aux lieux de traitement Enfin les mamans bizalu, qui ont un peu de moyens, achètent les déchets de sol et de sable aux PDG et loutriers et les broient elles-mêmes ou recourent aux twangaises pour en tirer quelques miettes d’or qu’elles vendent aux négociants locaux.
Contraintes par l’insécurité
Dès 4h30 du matin, ces femmes affluent vers les carrés miniers pour chercher du travail, enfants au dos ou accompagnées de leurs fillettes pour garder le bébé ou pour les aider. « Je suis obligée d’être ici très tôt, car nous sommes très nombreuses à chercher du travail. Si j’arrive tard, j’en manquerai et on aura rien à manger à la maison », déclare, Mauwa, la trentaine, mère de 7 enfants. Elles sont payées à la tâche et placées sous la surveillance des quelques hommes pour éviter les vols.
A cause de l’insécurité, causée essentiellement par les Fdlr qui pillent et déportent des gens (des hommes pour transporter les biens volés et les femmes pour servir d’esclaves sexuelles), de nombreux villages autour de Kamituga se sont vidés de leurs habitants. Ils ont choisi de venir dans cette ville ou dans d’autres centres un peu plus sécurisés.
« Nous avons tout abandonné et le peu d’argent que nous avions a été volé avant de venir ici, explique une femme déplacée venue de Kibe, à une cinquantaine de km de Kamituga. « Nous ne pouvons pas croiser les bras et mourir de faim. Mon mari entre dans les mines souterraines et moi, pour l’épauler, je me suis fait twangaise », poursuit-elle, son petit pilon à la main et le mortier bien tenu entre ses deux jambes.
« Pour survivre, je n’ai pas de choix, avoue Mbilizi, une twangaise, veuve et déplacée de guerre. Je suis obligée de broyer chaque jour un ou un et demi ‘loutra’ (loutra, la mesure de pierre dont le poids avoisine 15 kg) ». « Pour un loutra, la twangaise reçoit 3500FC (3.8$) », précise, Mukambilwa, propriétaire d’un puits à la mine de Mobale à Kamituga. « Des fois, nous travaillons, mais si le patron ne trouve pas d’or dans la poudre, il ne nous paye pas… C’est une question de chance aussi », déclare, plaintive, Feza, une autre twangaise.
« Ces femmes souffrent beaucoup », confirme une animatrice de l’Ong, ALIFE qui essaie de les encadrer. « Le pilon pèse à lui seul 3 kg (un pilon en bois doté à chaque extrémité d’un embout métallique) et elles broient près de 25 kg de pierres par jour, voyez l’effort qu’elles doivent fournir quotidiennement ». « Et parfois, nous venons mêmes affamées », glisse, une autre twangaise, en pause quelques minutes pour allaiter son bébé de 4 mois.
Un rêve : quitter les mines
« D’autres acceptent facilement les avances des creuseurs et négociants. Ce qui disloque parfois les foyers et cause des risques de MST », poursuit-elle. Pour les mamans « hilux », ce n’est pas mieux. « Je parcours parfois 30 km avec un colis de sable de 50 kg, 60 kg au dos pour avoir 3000 à 5000FC (3.2 à 5.4$), se plaint, fatiguée, Kito, transporteuse de sable, depuis deux ans.
A en croire, les responsables de quelques associations militant pour ces femmes, celles-ci n’ont qu’un seul rêve : quitter les mines. « Nous essayons de les encadrer dans des petites structures pour des micro-crédits afin de voir si certaines peuvent mener d’autres activités plus humaines et respectables », déclare, Mme Fitina, responsable de l’une de ces coopératives implantées dans la région depuis 2006. « Je préfère retourner dans mon village faire mes champs et vivre dignement au lieu de mourir à petit feu comme ça », affirme, une jeune twangaise arrivée il y a deux ans d’un village voisin à la suite d’ attaques incessantes des Fdlr et autres bandes armées. « Le jour où la chance me sourit en gagnant même 50$, confie, Wabiwa, une jeune Hilux, j’abandonnerai ce travail. »
Par Jean Chrysostome Kijana