L’Ong Médecins sans frontières(MSF), active dans la lutte contre le VIH/Sida depuis 10 ans en RDC, est très inquiète. Le retrait de plusieurs bailleurs, les difficultés du Fonds Mondial et surtout le trop faible engagement de l’Etat congolais dans la fourniture des antirétroviraux font en effet craindre le pire pour les 435 000 personnes qui en ont besoin pour vivre.
Syfia international
Avec plus d’un million de personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH), dont 435 000 en besoin urgent d’Antirétroviraux (ARV) et seulement 53 000 sous traitement,selon un rapport 2012 du Programme national multisectoriel de lutte contre le SIDA (PNMLS), la RDC fait en effet figure de retardataire, y compris parmi les pays d’Afrique subsaharienne.
Les dépenses consenties par le gouvernement sont largement en deçà des besoins. Malgré l’engagement du pays (pris à Abuja en 2001) à consacrer 15% du budget de l’Etat à la santé, les crédits votés n’ont jamais atteint 6%.
Les dépenses réellement effectuées ne dépassent pas les 3% du budget voté par l’Etat et pour le VIH/SIDA, les dépenses sont quasi symboliques avec moins de 2 $ par sidéen qui devrait être traité aux ARV dépensés en 2011. Pourtant, selon la loi votée en 2008, l’Etat s’est engagé à « assurer gratuitement l’accès aux soins de prévention, aux traitements et à la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA ».
Moins de fonds internationaux
Les ARV, si le traitement est correctement suivi, « permettent aux patients de retrouver un niveau de santé suffisant pour fonctionner au quotidien, travailler, prendre soin de leurs enfants, bref mener une vie normale de qualité, comme tout un chacun », explique Dr Claver du centre médical El Roi.
Malheureusement, le manque d’investissement du gouvernement congolais dans la lutte contre le sida font largement douter de la capacité de la RDC à assurer en 2015 80% de couverture en ARV pour les PVV éligibles, contre 12,3% actuellement. « Fixer des objectifs ambitieux est une bonne chose, mais la lutte contre le SIDA en RDC ne peut se contenter de ça », a commenté Dr Anja de Weggheleire, coordinatrice médicale de MSF en RDC.
Les engagements doivent maintenant se concrétiser et l’investissement du gouvernement doit passer, entre autres, par la mise en place d’une ligne budgétaire conséquente pour le VIH/SIDA, bien gérée, et surtout, pleinement décaissée dans l’intérêt des bénéficiaires ». Une telle démarche serait un signal fort pour les bailleurs de fonds, dont certains demandent 5% de contrepartie de notamment le Fonds mondial financeur principal des ARV en RDC.
Jusqu’il y a peu, la prise en charge en ARV était principalement financée par trois grands bailleurs : le Fonds mondial, le Programme plurinational de lutte contre le VIH/SIDA de la Banque mondiale (MAP) et le financement UNITAID à travers la Fondation Clinton. « Malgré des besoins médicaux criants, les financements internationaux sont restés très limités et ont même diminué en 2011 », explique Barbara de MSF.
La Banque mondiale a arrêté son programme spécifique en mai 2011 et UNITAID a, in extremis, prolongé son programme d’un an jusque fin 2012. Le Fonds mondial connaitrait lui-même des difficultés importantes ry n’aurait prévu, d’ici 2014, que le maintien des financements en cours. Il devient indispensable de diversifier les sources de financements dans la lutte contre le VIH/SIDA en RDC.
La rupture des ARV, c’est la mort
Selon le Dr Claver, « l’interruption du traitement mène à une perte d’immunité rapide qui engendre des infections opportunistes et augmente significativement le risque de résistance dans le cas d’une reprise du traitement. Les nouveaux traitements à mettre en place après une interruption sont alors plus coûteux et plus complexes ».
« En RDC, ce sont plus de 78 000 personnes qui sont mortes à cause du VIH/SIDA en 2011, soit presque 215 morts par jour. A ce rythme là, le VIH/SIDA tuera 200 000 personnes d’ici 2015 », prévient le Dr Lucien Kalenga Masangu, coordinateur médical adjoint pour MSF en RDC.
« La rupture des ARV pour moi, c’est la rechute et c’est la mort. Si je suis debout et fais tout ce que je fais, c’est parce que je suis sous ce traitement », affirme Mme Ida Diosse, mère de quatre enfants et sidéenne. Ida souhaite que le SIDA devienne l’affaire de tous et fasse également l’objet d’une solidarité internationale dans les pays à faibles revenus comme la RDC. Mais cela ne doit pas exempter les gouvernements de leurs responsabilités.
Par Didier Kebongo