Lorsqu’il s’agit de s’informer sur la situation politique de la RDC, des Lushois suivent davantage les radios et télévisions étrangères, jugées plus crédibles et plus indépendantes. Partisans, les médias locaux, eux, sont suivis pour la musique, le sport et les séries…
Syfia International
« Je n’ai pas suivi les infos depuis hier soir », se plaint A.N, chauffeur de taxi desservant l’aéroport et le centre ville. Debout, à côté de sa voiture Place de la poste à Lubumbashi, il veut savoir auprès de ses collègues, où en est-on avec les discussions de Kampala entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23.
« Depuis l’après midi d’hier je ne sais pas capter Rfi dans mon taxi et ne sais rien de ce qui s’est passé en Ouganda entre le gouvernement et nos frères là », ironise-t-il. La victoire diplomatique de la Rdc fait suite à la défaite militaire, lui répond rassurant un de ses amis chauffeurs. « C’est la dernière bonne nouvelle que j’ai eue hier soir », lui dit-il, soulignant qu’il l’a suivie sur une télévision de Kinshasa.
« Je n’ai pas confiance dans les informations que donnent nos médias locaux », réagit Jules, un autre taximan. Du coup, il se lance dans un long débat sur leur crédibilité.
« Si de nombreux Congolais ignorent ce qu’il y a aujourd’hui entre le M23 et le gouvernement congolais, c’est parce que nos médias ne le leur ont pas dit », soutient le groupe de chauffeurs, avant de conclure : « Ils sont au service des politiques et n’inspirent que peu de confiance quant aux informations qu’ils donnent ». Unanimes, ils reconnaissent tous que les médias étrangers, mieux équipés en matériel et en personnel, ont un accès facile aux sources d’information, sont plus libres et donnent des informations détaillées.
Des infos-tabous
« Nous savons comment nous traitons nos informations selon que nous appartenons à telle radio ou à telle télévision », soutient-il. Il n’est jamais permis de parler de tout. « C’est parce que je m’informe mieux auprès des médias étrangers que je les préfère à nos propres médias », renchérit Théophile.
Informer librement et objectivement est un vrai problème, reconnaît pour sa part le coordonnateur provincial du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (Csac). Richard Kalumba pointe du doigt la prolifération des médias dont les patrons sont essentiellement des politiques. A ce jour, la division provinciale de l’information et presse du Katanga a répertorié 21 chaînes de radio et télévision émettant dans la seule ville de Lubumbashi. « Ces radios et télévisions des politiques, c’est pour véhiculer leur idéologie », affirme Kalumba. Elles ont des restrictions. Et, par manque de choix « Le journaliste s’inscrit dans l’idéologie du patron du média qui l’emploie », regrette-t-il.
Entre estime et mépris
Il y a deux mois, Sylvain Monda, enseignant à l’école primaire Umoja s’est procuré un kit (décodeur + parabolique et accessoires) et désormais il verse 9300 Fc, plus ou moins 10$ le mois à son fournisseur. Il n’oublie pas la déception qui l’avait motivé à agir ainsi.
« Alors que j’attendais le journal télévisé de 7 h avant de sortir, à la place c’est un caméléon que l’on a montré à la télé. Son image était accompagnée d’un champ de quolibetss : »toyeba yo, mosala nayo kotonga baning »] (Nous te connaissons, ton travail c’est de médire sur les gens, Ndlr) ».
Les médias de Lubumbashi sont en effet entrés depuis quelques mois dans une spirale de polémiques entre patrons.
« J’ai jugé bon avec mon salaire de misère d’avoir accès aux chaînes étrangères. Beaucoup de mes collègues enseignants m’ont suivi », poursuit Sylvain Monda. Mais si les radios et télévisions de Lubumbashi n’ont plus la cote quant à leur façon d’informer, elles ont d’autres programmes alléchants.
Fanatique de football, A.N. ne cache pas ici sa satisfaction. « En sport, je ne cherche pas à m’informer ailleurs », jure-t-il. Pareil pour la musique. Des jeunes talents lushois émerveillent au quotidien auditeurs et téléspectateurs, fidèles aux rendez-vous musicaux. Ces médias diffusent aussi les séries ouest africaines, largement suivies en famille pour leur contenu souvent ludique.
Par Dina Eseka, Maurice Mulamba