Les policiers du nord du Burundi qui rackettent les conducteurs de motos-taxis les poussent à circuler sans documents, à fuir la police, voir à la combattre. Car la confiscation récurrente de leurs motos leur fait perdre beaucoup d’argent ainsi qu’aux propriétaires de leurs engins.
« Je ne vois plus l’intérêt d’avoir les documents pour la moto. Qu’on les ait ou pas, c’est la même chose quand la moto est saisie. On doit donner l’argent pour la récupérer. Alors, pourquoi perdre son temps à aller les chercher », déclare un groupe de chauffeurs de taxi-motos rencontré devant le marché central de Ngozi au nord du Burundi.
En fait, continuent-ils, l’engin est saisi, qu’il soit en ordre ou pas, et pour la sortir des mains de la police, il faut payer au moins 10$. L’essentiel est donc d’avoir de l’argent plutôt que les documents. C’est ainsi remarque un officier de la police, que les motards sont nombreux à conduire sans le moindre document, pas même un permis de conduire…
Depuis plus de trois ans, la police rackette ainsi les motards de cette ville. Un officier de police s’en défend : « Nous visons toujours le contrôle des motos qui n’ont pas les documents exigés, déclare de Ngozi. D’ailleurs nous les avertissons avant de telles opérations. »
L’argent avant tout
Une justification de ces opérations répétées rejetée par les conducteurs. Selon eux, ces policiers le font pour collecter de l’argent sur les motos de marque TVS, la plus utilisée pour le transport, puisque, lorsqu’ils viennent récupérer à la police, on ne leur demande rien d’autre. Parfois les policiers prennent même des motos garées sans même connaître les propriétaires.
D’ailleurs les hommes de l’ordre ne s’en cachent pas. « Je ne vois pas où trouver l’argent pour acheter les tôles afin de couvrir ma maison », déclare sans scrupules un cadre de la police dans un bistrot. « Avec l’entente qui règne entre nous et les conducteurs d’engins, beaucoup d’entre nous ont construit des maisons, se sont marié… », avoue aussi un agent de la police de roulage rencontré dans un bus. Il est vrai qu’avec 50 $ de salaire mensuel, ils pourraient difficilement le faire…
En outre, toujours selon les conducteurs, parmi les officiers de police, il y a des patrons de motos qui ne sont pas touchées par le couvre-feu qui leur interdit de circuler après 20h et peuvent travailler toute la nuit ce que les autres chauffeurs ne peuvent pas faire.
Les motards voient ainsi de plus en plus les policiers en ennemis qu’il faut à tout prix fuir . Parfois même, ils se bagarrent avec eux.
Banque à gagner pour les motards
Ce manège des policiers fait aussi perdre un temps fou aux motocyclistes qui doivent attendre longtemps pour récupérer leurs motos confisquées. Parfois près d’une semaine. Sans travail durant tout ce temps, ils ont de gros manques à gagner comme le dit le conducteur Révocat : « J’ai fait une énorme perte dont je ne sais toujours pas comment sortir », comme d’autres dont les motos ont été gardées à la police en novembre.
Une semaine sans travailler, c’est environ 100 $ de perdu. Chacun d’eux doit verser environ 30$/semaine sur le compte du propriétaire de la moto et le reste assure la survie de leurs familles. « Non seulement je n’ai pas de quoi payer mon patron, mais je dois aussi 40$ au boutiquier qui m’a vendu des vivres à crédit », poursuit Révocat.
C’est ainsi toute une chaîne de gens qui pâtissent du comportement des policiers puisqu’il y a également les familles des propriétaires qui vivent des sommes que leur rapportent ces engins. « Je vivote car ma moto a été prise et voilà que je dois payer de l’argent pour la récupérer », se plaint un fonctionnaire venu la chercher à la police.
Du coup aussi, les gens ne veulent plus des motos de marque TVS Victor. Ils craignent de se faire traquer par la police qui les prend pour des motos taxis. Pourtant c’est une moto pratique, confortable et qui consomme peu.
Par Eric Nshemezimana