Sept Eglises du Sud Kivu s’impliquent désormais activement dans la lutte contre les abus sexuels dont sont victimes les filles et les femmes dans leur cercle familial, à l’école ou au travail. Des viols très nombreux et difficiles à dénoncer par les victimes qui en parlent plus facilement aux religieux qu’à la justice.
Plus de 10% des 14 000 personnes interrogées à Bukavu et dans le territoire d’Uvira ont été victimes de viols ou d’abus sexuels dans le cercle familial, au service ou dans les milieux éducatifs et spirituels. Seuls 500 ont été dénoncés dans les Eglises et 49 en justice. Tels sont les résultats de l’enquête menée en 2012 par la plateforme Interfaith qui regroupe l’Eglise Kimbaguiste, l’alliance des Eglises indépendantes, l’Eglise catholique (à travers sa Commission justice et paix), les Eglises du renouveau charismatique et de réveil, l’Eglise du christ au Congo et la communauté islamique au Congo.
Cette plate-forme, créée en 2010 et active depuis l’an dernier, est née d’une prise de conscience des Eglises sur la nécessité d’agir pour prévenir ces abus. Selon le révérend Ghislain Bafunyembaka, son coordonnateur, « les confessions religieuses sont restées longtemps muettes sur ce sujet, pourtant nous pouvons influencer le changement positif. Certaines victimes préfèrent se confier à leurs guides spirituels plutôt qu’à la justice. »
Jusqu’à la vulgarisation de la loi sur les violences sexuelles de 2006, les Eglises estimaient que c’était l’affaire des Ong. Elles sont alors rendu compte qu’au sein des Eglises, des violences étaient commises par des encadreurs religieux que les femmes victimes ne pouvaient pas dénoncer. Dans le même temps, de plus en plus de femmes venaient se confier à des religieux.
En se mettant ensemble, les Eglises veulent aujourd’hui promouvoir le rôle social de la femme et lutter contre les violences dont elles sont victimes.
Les proches, premiers violeurs
En effet, souvent attribués aux seuls hommes en armes, les abus sexuels sont pourtant de grande ampleur dans la vie courante. Selon l’enquête d’Interfaith, sur les 1400 femmes violées, plus de la moitié le sont au sein de leur famille – un tiers l’ont été par des membres de leur famille, 15% par leurs frères directs, près de 10% par leurs pères -, 20% par leurs éducateurs, 13% par le personnel soignant, et autant par leurs employeurs. 22 ont été victimes de leurs encadreurs spirituels. On compte aussi 55 garçons ou hommes abusés par leurs employeuses ou des domestiques. Des chiffres alarmants et peu connus.
Pour agir auprès d’une population à 80% croyante, la plateforme Interfaith a créé les « cercles Tamar », qui regroupe deux fois par mois 20 personnes de la même confession religieuse, victimes ou non, qui échangent entre elles sur ces problèmes en partant d’un texte biblique ou coranique. Les participants déterminent aussi les actions à mener, en particulier pour inciter les femmes à dénoncer les violences dont elles sont victimes. Certains s’engagent, par exemple, à parler des violences sexuelles dans leurs familles, au travail, ou dans les autres associations dont ils sont membres. Des actions coordonnées par Interfaith.
Cette femme, dont le mari a violé ses quatre filles dès qu’elles ont eu 13 ans, participe depuis deux mois au cercle Tamar d’une paroisse catholique. Pour elle, c’est une initiative qui peut aider à briser le silence. « Depuis que je participe au cercle Tamar je me sens soulagée. Je ne pouvais pas traduire mon mari en justice faute de moyens et des pressions traditionnelles, mais je ne me sens plus désespérée. Je vais bénéficier d’une prise en charge juridique et j’espère que la sanction va tomber sur cet homme. »
Celles qui dénoncent ces violences sont ensuite orientées pour une prise en charge médicale ou juridique vers l’hôpital général de référence de Panzi réputé pour les soins aux femmes violées qui peuvent y être soignées gratuitement ou vers les associations Héritiers de la Justice et APRODEPED dont les avocats peuvent plaider sans être payés pour celles et ceux qui n’ont pas de moyens, ce qui est le cas de la plupart des victimes.
Par Douce Namwezi